La peinture étrusque

LA
PEINTURE ETRUSQUE

Jean-Claude Daumas, Historien – pour Latine Loquere

Elle est surtout connue par les
fresques des tombeaux qui s´échelonnent sur 3 siècles et demi
(vers 650 à  vers 300 avant J.-C. “ la peinture sur vases
n´apportant que quelques compléments.

CATACTERES GENERAUX

Reflet de la grande peinture grecque
contemporaine “ murale et sur bois “ qui a presque totalement
disparu, la peinture étrusque est une mine d´informations sur la
vie et les croyances des Etrusques. Elle montre les plaisirs de la
vie (jeux, spectacles, musique, danse, banquets, chasse) dans un
style réaliste.

Techniquement, c´est une peinture à 
fresque : les couleurs sont appliquées sur un enduit frais
(crépi de chaux et d´argile) recouvert d´une couche de lait de
chaux ; elles se fixent par réaction avec le lait de chaux ce
qui implique un travail rapide pour le peintre, aidé il est vrai par
le dessin préparatoire incisé des contours et des détails.

Les couleurs proviennent de pigments
naturels : blanc de chaux, rouges d´oxydes de fer, verts
d´oxydes de cuivre, bleu de lapis-lazzuli, ocres rouges à  jaune,
noir de charbon de bois. Plus tard apparaîtront des mélanges de
couleurs pour obtenir du blanc ivoire, des bruns, des roses, des
violets et des gris.

La peinture étrusque privilégie les
compositions binaires et les oppositions de couleurs : hommes
ocres et femmes blanches par exemple. Mouvement et violence des
affrontements sont parfaitement rendus : plongeon, danses,
courses, luttes, chars renversés, … D´où des scènes fraîches,
spontanées, réalistes, anecdotiques = vivant témoignages de vie
quotidienne qui, cependant, ne manque pas de valeur esthétique :
élégance des silhouettes, coloris délicieux, harmonie des figures,
rythme musical des gestes et des danses.

Un patrimoine en danger ? Depuis
le XIXème siècle, la fraîcheur originelle s´est estompée comme
le montre la comparaison entre l´état actuel et les relevés fait
sur calques au moment de la découverte. Sur la centaine de tombes de
Tarquinia découvertes au XIXème siècle, 24 sont aujourd´hui
introuvables, 28 équipées pour les visites, ouvertes par roulements
de 8.

LES DEBUTS

Les premières peintures murales
apparaissent à  Véies au VIIème siècle :

Tombe des Lions Rugissants
(680/670) : plafond et piédroits en rouge ; 1 bande jaune
entre 2 bandes noires en haut des murs ; paroi du fond :
double file d´oiseaux aquatiques (symbole du passage dans
l´au-delà ) au-dessus de 3 lions stylisés à  tête énorme et
gueule ouverte, en position d´attaque = symbole de la mort.

Tombe des Canards (mi-VIIème
siècle) : quartiers rouges et jaunes au plafond ; parois à 
deux zones superposées rouge et jaune, séparées par des bandes
horizontales ; au fond une frise de canards.

Tombe Campana (fin VIIème
siècle) : registre inférieur à  décor orientalisant, registre
supérieur avec cavaliers et piétons = motifs des céramiques
importées comme l´Olpe Chigi (640-630) et son défilé de
guerriers et de héros.

L´APOGEE : milieu VIème siècle à 
milieu Vème siècle

C´est la grande époque des tombes
décorées de fresques, en particulier à  Tarquinia leur
« capitale » : sur les 180 tombes peintes d´Etrurie,
140 sont à  Tarquinia, 14 à  Chiusi, 11 à  Véies, …. Un décor de
scènes joyeuses aux riches compositions et aux couleurs vives,
parfois irréelles (panthères bleues, lions rouges) dans des
paysages simplement indiqués

.

PRINCIPALES TOMBES
DE TARQUINIA (fin VIème siècle)

Tombe des Taureaux (530) –
Scène mythologique (Achille prêt à  tuer Troïlus) avec nombreux
symboles comme le soleil se couchant sous le ventre du cheval et le
rouge dominant de la frise encadrante de grenades ; frise de
taureaux au sommet des parois et bande décorative d´arbres
au-dessous.

– Tombe des Augures (520) “
Gestes symboliques des rites. Paroi du fond : 2 hommes barbus,
une main sur le front (deuil), l´autre levée vers la porte de
l´au-delà . Parois latérales : jeux (2 lutteurs et 1
arbitre) ; vol d´oiseaux rouges ; chien mordant le mollet
d´un homme ayant la tête dans un sac et un bâton à  la main (le
sang coule). Peinture réaliste pour les détails (costumes, nature).

– Tombe des Lionnes (520) “ 2
panthères s´affrontent (fronton) ; banquet avec musiciens et
couple de danseurs : la danseuse est habillée à  l´ionienne ;
dauphins verts et bleus plongeant dans une mer vineuse.

Tombe de la Chasse et de la Pêche
(510) “ les parois semblent ouvertes sur la nature : un
paysage marin très détaillé montrant une vie luxuriante ; un
vol de canards poursuivis par un frondeur ; un dauphin plongeant
dans une mer verte et violette aux poissons frétillants ; un
pêcheur tends ses filets ; un jeune plongeur s´élance des
rochers (scène annonçant celle de la Tombe du Plongeur à 
Poseidonia vers 480 ?).

-Tombe du Chasseur (510) :
intérieur d´un pavillon de chasse à  plafond recouvert d´un
tissu à  carreaux terminé par une broderie rouge et bleue à  motifs
de fauves et cavaliers. Parois : tissu à  fleurs qui laisse
entrevoir à  l´extérieur des animaux en train de paître.

LES NOUVEAUTES du DEBUT Vème siècle.

Les sujets restent
les mêmes avec, sur la paroi du fond, le thème du banquet encore
plus présent mais de style « sévère » (influence
attique) accompagné sur les parois latérales des danses et jeux. La
peinture semble plus mûre, plus savante, plus équilibrée avec des
teintes plus délicates dans le chef d´œuvre de cette époque :
la tombe du Triclinium.

Tombe du Triclinium (Tarquinia)
“ grâce, élégance et harmonie des danseurs avec un flûtiste au
milieu des arbres, à  l´aide de tons adoucis, de demi-teintes, de
transparences, de gestes raffinés (danseur bleu) rendus par un
dessin subtil ; le tout au milieu d´une luxuriance de détails
sur la nourriture, les fleurs, les oiseaux “ sous un plafond peint
en damier avec poutre faîtière mise en relief..

Tombe des Biges (Tarquinia) “
Jeux sur fond blanc et banquet-danses sur fond rouge.

Tombe des Léopards (Tarquinia –
480) “ Trois couples de convives allongés sur des klimai et
distraits par musiciens et serviteurs : toujours la même vision
optimiste.

Tombe de la Colline (Chiusi “
470) “ Course de 2 biges.

Tombe du Lit funèbre (Tarquinia
“ 460 = la plus récente) “ Sous un énorme catafalque, un
imposant lit funèbre avec couvertures et coussins somptueux.
Personnages peints à  la façon de Polygnote : femme bras levé
(à  gauche), banquet (à  droite), jeux et danses (au fond).

LE RENOUVEAU DU IVème siècle

Après une
traversée du désert (2ème moitié Vème “ debut IVème
siècles) montrant des banquets stéréotypés ( à  part la tombe de
la Laie noire qui ne manque pas de qualité), une nouvelle peinture
se développe, montrant qu´elle a assimilé les acquis de la
peinture grecque : profondeur, clair-obscur, couleurs
nuancées tout en gardant les aplats et les contrastes de
couleurs, la ligne de contour des figures et la verve « étrusque ».

TARQUINIA – Tombe de l´Ogre 1
(milieu IVème) : figure monstrueuse de la tête de Aita (Hadès)
dans la gueule d´un loup et en contepoint le très beau profil de
Velia Seitithi coiffée à  la grecque (diadème de feuilles
d´olivier) avec regard mélancolique. Femme de Larth Velcha (le
défunt), elle lui offre un fruit de la main droite et pose
affectueusement sa main gauche sur son épaule. Ce sont de véritables
portraits avec têtes de profil ou de trois quart et torse vu de
face.

VOLSINIES “ Tombe Golini 1
(milieu IVème) : scène qui se passe aux Enfers avec Aita
coiffé d´une tête de loup et Phersiphai entourés des démons
Vanth, Charun et Tuchulcha.

VULCI “ Tombe François (3ème
quart IVème) : atmosphère sanglante en particulier dans la
première scène où Achille égorge un prisonnier troyen, entouré
par Charun et Vanth. Si les éléments architectoniques sont
représentés en perspective, la profondeur est faible et les scènes
de batailles ne sont que la juxtaposition de combats singuliers (une
paire de combattants vus uniquement de profil ou de face). A
l´opposé, le portrait du défunt Vel Saties en triomphateur est
remarquable : effets de perspective et jeux d´ombres.

C´est donc un mélange de traditions
étrusques et de nouveautés picturales grecques qui caractérise
cette période tout comme d´ailleurs la suivante.

LA PHASE HELLENISTIQUE
(fin IVème et IIIème siècles)

Ce sont les dernières tombes peintes
étrusques car elles disparaîtront une fois la conquête de
l´Etrurie par Rome achevée.

TARQUINIA 

Tombe Gilioli “ apparition du
trompe l´œil de la peinture macédonienne.

Tombe des Boucliers “ galerie
de beaux portraits de famille.

VOLSINIES 

Tombe Golini 2 (fin IVème) “
beaucoup de troisième dimension (grecque) et grand réalisme des
natures mortes (préparation du repas pour un banquet aux Enfers).

Tombe des Hescanos (vers
300) “ portraits d´esclaves aux traits volontairement enlaidis
pour contraster avec le noble profil des maîtres dans l´autre
pièce.

CHIUSI

Tombe du Quadrige (fin IVème) “
le démon Charun sous une frise de « grecques ».

LE PEINTRE DE MICALI

Il a travaillé à  Vulci vers 525-500,
à  la charnière archaïsme/classicisme, au moment de l´arrivée
des vases à  figures rouges sur fond noir. C´est le plus prolifique
des peintres sur vases antiques connu avec 200 vases signés
retrouvés sur sans doute plus de 2 000 réalisés ; des vases à 
figures noires sur fond rouge.

Son sujet favori :
des sirènes à  ailes striées de barres horizontales représentées
avec fantaisie, imagination, humour sans oublier la vivacité des
mouvements et la gaieté des visages. Un peintre du merveilleux et du
fantastique avec son univers rempli de sirènes, de ménades, de
satyres (mi-humains,mi-animaux = symboles du passage vie/au-delà ),
d´animaux fantastiques (= au-delà ), d´oiseaux, d´arbres.

Ce sont des vases de tombeaux, mais
peints pour de joyeux vivants …

























A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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