NON, Latin et Grec ancien ne sont pas (encore) sauvés !

NON, Latin et Grec ancien ne sont pas (encore) sauvés !

I. Un crime contre les Humanités avéré

Il est un fait acquis désormais – notre grande enquête auprès de plus de 600 collèges dans toute la France en a apporté la preuve – que la politique du pseudo « latin pour tous » de Najat Vallaud-Belkacem a été dévastatrice :

– perte d’un million d’heures d’enseignement de langues anciennes dès cette année scolaire

– disparition de nombreuses sections de grec ancien désormais financées uniquement sur les heures de marge

– diminution du nombre de groupes de latin par établissement et donc retour forcé d’une sélection pour constituer les groupes

– perte du statut de discipline d’un enseignement séculaire

– négation du statut de langue du latin et du grec ancien avec une unique heure hebdomadaire en cinquième

– transformation d’une discipline exigeante en EPI superficiels aussi bien par leurs horaires que par leurs contenus

– déclassement d’une discipline formatrice qui se voit interdite de validation des compétences

– mépris des enseignants de Lettres Classiques contraints

– inégalités dans les horaires, l’organisation et les conditions d’accès aux langues anciennes dans chaque établissement de France

Bref, un enseignement des langues anciennes qui est loin d’avoir été offert à tous, ce qui serait le souhait le plus cher des enseignants de lettres classiques.

 

II. Le retour des Langues Anciennes ?

D’aucuns diront, à la lecture des récents projets de décrets, que la réforme du collège 2016 est détricotée et que les langues anciennes sont promises à un avenir riant.

Il n’en est rien.

Certes, des horaires en hausse semblent annoncés, à hauteur d’une heure hebdomadaire en cinquième et trois heures en quatrième et troisième. Mais – car il y a plusieurs mais – :

– ces horaires restent toujours inférieurs à ceux d’avant la réforme du collège 2016 (2h en 5ème, 3h en 4ème et 3h en 3ème)

– tous les enseignants de Lettres Classiques s’accordent à dire qu’une unique heure hebdomadaire de latin en cinquième est totalement insuffisante pour enseigner à la fois langue et culture de l’antiquité, d’autant plus avec de nouveaux programmes qui n’ont quasiment pas été allégés

– les horaires accordés au latin et au grec ancien restent, comme l’avait instauré la réforme du collège, des horaires « plafonds », c’est à dire maximum, et non plus « planchers », c’est à dire minimum. Chaque chef d’établissement a ainsi tout loisir de proposer des horaires égaux ou inférieurs au 1h/3h/3h annoncés.

– MAIS SURTOUT : ces horaires sont financés uniquement sur les heures de marge de chaque établissement, c’est à dire en concurrence directe avec les classes bilangues, sections Euro et surtout la constitution de groupes en sciences et en langues.

Bref, les quelques informations contenues dans le projet d’arrêté débattu en CSE (dont l’avis, rappelons-le, n’est que consultatif) n’est pas de nature à rassurer les enseignants de Lettres Classiques et leurs élèves. En effet, ni les horaires, ni l’égalité d’accès, ni l’équité entre établissement, ni même la pérennité de l’enseignement ne sont garantis.

Nous sommes déjà à la mi-juin et sans directives claires et rapides du Ministère, il y fort à parier que l’enseignement des Langues Anciennes en reste au statu quo ante. En effet, à cette période de l’année, tous les établissements de France travaillent d’arrache-pieds sur les répartitions horaires entre les différentes disciplines et sur la constitution des classes et des groupes de langues et d’enseignements facultatifs.

Sans consignes ministérielles, l’enseignement des Langues Anciennes risque bien de ne connaître aucun ajustement avant au moins la rentrée 2018.

 

III. Des syndicats (f)utiles ?

Précisons que du côté des syndicats pro-réforme et anti-langues anciennes, on s’en donne à coeur joie. Le syndicat Sgen-Cfdt a ainsi déposé lors de la séance du CSE du 8 juin dernier, un amendement demandant à ce que l’enseignement des Langues Anciennes n’existe plus que sous la forme d’EPI.

proposition d’amendement du SGEN-CFDT à l’article 7

Le syndicat SE-Unsa, se réjouit ici doublement parce que “Il sera possible d’augmenter l’horaire de LCA mais ce n’est pas une obligation.”, mais aussi du fait que “la Dotation horaire supplémentaire, (elle) doit servir d’abord aux groupes à effectifs réduits et à la co-intervention. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’elle peut être utilisée pour les enseignements facultatifs.”

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En conséquence, l’association « Arrête Ton Char ! les Langues & Cultures de l’Antiquité aujourd’hui  » attend de la part du Ministère de l’Education Nationale, des éclaircissements rapides sur sa stratégie et son agenda en ce qui concerne le renouveau annoncé de l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité.

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L’arrêté modificatif du 16 juin 2017 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034952173&dateTexte=&categorieLien=id

A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité
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