Walking Dead : Dolor hic tibi proderit olim

Saison 6 – Episode 5 : Maintenant (Now ) (2015)

Présentation de la série : Après un phénomène d’origine virale qui a subitement transformé la majeure partie de la population mondiale en « rôdeurs » ou morts-vivants, un groupe d’américains guidé par Rick Grimes, ancien shérif d’un comté de Géorgie, tente de survivre.

Dans la saison 5, la cité d’Alexandria, peuplée par Deanna à la tête d’une population soudée, offre un nouveau refuge au groupe. Très vite, Alexandria subit le même sort que tous les précédents refuges de Rick et ses compères : le havre de paix est sauvagement attaqué par des groupes extérieurs… transformant dans la saison 6 le “paradis” en prison.

Deanna, totalement déboussolée, a du mal à faire un choix puisque jusque là, tout se passait bien. “This is what life looks like now […] If we don’t fight, we die” lui explique Jessie. Après réflexion, Deanna a pris sa décision : “I wanna live. I want this place to stay standing”. Bien que fortement éprouvée par les récentes attaques, et par la perte de personnes proches, Deanna a encore un peu d’espoir pour sa ville. La preuve en est qu’elle trace les plans d’un futur potager, d’extensions diverses.

Au bas du plan, elle prend le temps d’écrire une phrase en latin “Dolor hic tibi proderit olim”.

Il s’agit d’un extrait du septième vers de l’élégie 11, livre III des Amours, d’Ovide, : “Perfer et obdura, dolor hic tibi proderit olim.”

Multa diuque tuli; vitiis patientia victa est;
cede fatigato pectore, turpis amor!
scilicet adservi iam me fugique catenas,
et quae non puduit ferre, tulisse pudet.
vicimus et domitum pedibus calcamus amorem;
venerunt capiti cornua sera meo.
perfer et obdura! dolor hic tibi proderit olim;
saepe tulit lassis sucus amarus opem.

C’est avoir assez et trop longtemps souffert : ta perfidie a vaincu ma patience ; sors, honteux Amour, de mon coeur fatigué ! C’en est fait, je m’affranchis ; j’ai rompu mes chaînes, j’ai souffert sans rougir, je rougis maintenant d’avoir souffert ; enfin, je triomphe, et je foule à mes pieds l’Amour subjugué ! Trop tard, hélas ! j’ai connu l’outrage fait à mon front. De la persévérance et de l’énergie ; ces maux auront un jour leur récompense. Souvent un fruit amer offre son suc secourable au voyageur épuisé.

Dans les Amours, Ovide évoque son amour imaginaire pour la figure symbolique de Corinne. L’élégie 3.11 exprime sa lassitude des infidélités de sa maîtresse, qu’il ne parvient cependant pas à quitter. Il ne peut vivre sans elle ni avec elle.

L’utilisation de cette citation n’est pas anodine. Les scénaristes de la série sont des adeptes du “fusil de Tchekhov”, une technique qui consiste à insérer ou à citer un objet, un personnage, même de façon anodine, car il aura par la suite un intérêt dans l’histoire.

Saison 6 – Episode 8 : D’un bout à l’autre (Start to Finish ) (2015)

La ville est désormais infestée de zombie et chacun essaye de se protéger. Michonne réconforte Deanna, qui a été mordue, lui confie qu’elle a vu les plans et qu’elle pense que ses projets pour la ville ne périront pas avec elle.

Michonne demande à Deanna de lui expliquer la phrase en latin, ce qu’elle fait : Reg, son mari, utilisait cette phrase en latin comme un mantra.

Michonne: The Latin in the margins, what was that?

Deanna Monroe: It was something Reg used to say when things went really, really bad. I’m lucky, Michonne. Working with my family towards a better future is – it’s all I ever wanted. That’s what I got. I got to do what I wanted… right up to the end. What do you want?

Michonne: I want this place to work.

Un peu plus tard, avant de mourir, Deanna donne la traduction à Michonne : “Some day this pain will be useful to you.”, phrase que Michonne va faire sienne.

 

Saison 7 – Episode 7 : D’un bout à l’autre (Start to Finish ) (2015)

C’est une saison plus tard que la phrase trouvera une dernière résonance. Spencer, le fils de Deanna, est plein de rancœur envers Rick. Il s’en ouvre, lors d’une mission de recherches de vivres, au père Gabriel, qui le désapprouve. Spencer s’enfonce alors dans la forêt et tombe sur un zombie, accroché à un arbre, avec des provisions et une arbalète.

Dans son poche, il trouve une note… rédigée en latin :

Et ça tombe bien, puisque comme Spencer va l’expliquer plus tard à Eugène et Rosita , tout comme sa mère, il comprend le latin :

Latin. It was a pain-in-the-ass class. My mom said that pain would be useful someday.
Le Latin. Un cours chiant à mourir. Mais ma mère disait qu’un jour cette douleur serait utile”..

“That pain would be useful someday” est la traduction de… “Dolor hic (tibi) proderit olim” !

A propos Marjorie Lévêque

Professeur de langues anciennes dans l'Académie de Lille. Grande amatrice de bandes dessinées.

Une réaction

  1. Merci pour cet article formidablement bien étayé ! Voila qui me donne envie de lire Ovide.

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