Baelo Claudia (Espagne > Andalousie)

Baelo Claudia (Bolonia)

texte de Jean-Pierre Masson pour “Arrête ton char !”

 

Bolonia, nom actuel de la cité antique de Baelo Claudia est un des sites archéologiques les plus célèbres de la péninsule ibérique sur le territoire de la commune espagnole de Tarifa en Andalousie à 78 km de Cadix. (Gades)

Cette petite cité présente l’avantage d’avoir développé une vocation maritime et portuaire sur le littoral du Détroit de Gibraltar dont elle a tiré sa richesse et son renom. « Baelo est un port d’où on embarque généralement à destination de Tingis –Tanger- en Maurétanie. C’est aussi un entrepôt qui possède des usines de salaisons. » Strabon (18 ap. J-C)

D’autre part en bénéficiant de la Pax Romana, sa population a parfaitement assimilé les institutions fondamentales de Rome, comme en témoignent les vestiges monumentaux et l’urbanisme de la cité particulièrement à son apogée au Ier et IIè siècles.

 

LE SITE :

Installée au fond de la petite baie de Bolonia, protégée par le Cap Camarinal à l’ouest et le Cap Paloma à l’est l’agglomération antique se développe au pied de la Sierra de la Plata au nord-ouest et la Loma de San Bartolomé au nord-est culminant à 459m. La ville basse en bord de mer est large de 280m pour se réduire considérablement à son extrémité septentrionale sur une déclivité irrégulière pour une altitude de 55m. La distance de ce point par rapport à la mer est alors de 600m.

 

I. LES ETAPES HISTORIQUES DE LA CITE :

 

A. BAELO CLAUDIA, CITE ROMAINE

1°) L’absence d’installations pré-romaines sur le site :

Après 24 campagnes de fouilles jusqu’en 1990, les archéologues n’ont trouvé aucune trace de vestiges phéniciens, grecs ou tartessiens sur le terrain. La cité s’est construite sur un site vierge. Néanmoins elle a probablement succédé à un établissement plus ancien sur un autre site, par exemple l’agglomération de Silla del Papa qui n’a pas été fouillée.

Le maintien de l’ambiguité vient du nom de Baelo associé à Ba’al, divinité phénicienne.

 

2°) La ville républicaine :

Elle demeure très peu connue. Quelques traces de la fin du IIè siècle et du début du Ier siècle av J-C ont été identifiées sous un édifice postérieur proche du Decumanus Maximus au sud de la ville : le marché (macellum), ainsi que deux bassins à salaisons. Par ailleurs, des amphores produites exclusivement à Baelo ont été découvertes. En plus des fabriques de salaison déjà bien exploitées, la cité possédait des ateliers de céramique. La présence de vaisselle à vernis noir et de bols à relief de Délos révèle déjà l’intense activité commerciale : garum et poisson en échange de céramique raffinée.

 

3°) L’époque augustéenne :

L’agglomération s’agrandit vers le nord sous Auguste au Ier siècle av J-C.

L’espace urbain est totalement réorganisé. La ville construit une enceinte. Le centre est redessiné sur le principe du quadrillage à partir de deux grands axes orthogonaux (decumanus est-ouest et cardo nord-sud). Enfin un premier forum voit le jour.

Les boutiques à l’est du forum comme le sol du portique oriental datent de 20à 10 av J-C et ont subsisté ensuite. Des murs servant de fondations à des reconstructions postérieures et le grand mur est-ouest font encore partie de la basilique sur le forum à la fin du Ier siècle av J-C. Ces vestiges sont identifiables par stratigraphie mais aussi par le style de construction : des moellons de calcaire gris sans liant visible.

Ce nouveau plan d’urbanisme coïncide avec la promotion juridique de la ville qui devient l’oppidum latinum Baelo. L’essor économique en est certainement la cause confirmée par le grand nombre de céramiques importées et de monnaies retrouvées dans les strates correspondant à cette époque.

 

4°) De Claude à la fin du IIè siècle : l’apogée de Baelo Claudia et sa nouvelle parure monumentale.

La prospérité économique se poursuit et permet à Baelo de se doter d’un centre monumental complet entre le milieu du Ier siècle ap J-C et le début du IIè tel qu’on peut le voir aujourd’hui.

De nouveaux grands travaux ont lieu et on sacrifie une partie des bâtiments sur les côtés ouest et sud du forum de l’époque augustéenne.

Ces transformations architecturales correspondent probablement à l’obtention du statut de municipe de citoyens romains pour la ville à égalité avec Gades et Carteia. Baelo au nom à consonance phénicienne est rebaptisée ville impériale romaine Baelo Claudia à partir de 48 ap J-C sous le règne de Claude de 41 à 54.

Cependant des effondrements importants de l’enceinte semblent résulter de secousses sismiques. Peut-être a-t-il fallu reconstruire certains monuments par nécessité, et non par prestige comme la basilique de l’époque augustéenne qui a pu subir des dégâts. Ces destructions pourraient justifier la générosité de Claude dans la promotion de la ville et l’attribution de subsides pour la reconstruire. L’énigme n’est pas résolue.

 

B. DECLIN DE BAELO CLAUDIA

1°) Les abandons et ruines du IIIè siècle :

Dès la fin du IIè siècle , certaines boutiques du macellum ne sont plus en service, la basilique est abandonnée.

Au cours du IIIè siècle le phénomène s’amplifie. La cour du macellum est devenue un dépotoir. Les murs des temples du Capitole sont abattus, la cella du temple C s’est écroulée. La population se maintient au milieu des ruines bien que de nombreux édifices publics ne remplissent plus leur fonction. Pourtant l’activité n’a pas cessé comme l’indiquent les sigillées importées d’Afrique ou la monnaie abondante.

Les causes ? – Des secousses sismiques nombreuses au IIIè siècle.

– Des invasions en Bétique par des Maures issus du Rif (montagne du nord du Maroc) en 171 177 et 178 ;

– L’usurpation de pouvoir de Clodius Albinus en 195 et les soulèvements en sa faveur. Suite à une répression les biens des riches furent confisqués, tarissant la source de la reconstruction ou de l’entretien des bâtiments. C’est la fin de l’évergétisme : la générosité des notables pour faire profiter le peuple de leurs richesses. L’aide impériale fut absente.

 

2°) Une agglomération nouvelle au milieu du IVè siècle :

Les habitants rasèrent les ruines et réemployèrent les blocs en calcarénite, calcaire dur local, comme bases de leurs maison , les parties supérieures étant probablement en terre. La construction devint anarchique sans respecter le plan orthogonal. Des habitations apparurent sur le Cardo Maximus à l’est du Temple d’Isis, sur le Decumanus Maximus près de la porte ouest et même sur le Forum. Aucun lieu de culte chrétien n’a été découvert à ce stade des fouilles.

 

3°) L’abandon définitif, vraisemblablement au VIIè siècle :

Au cours du haut Moyen Age la ville fut désertée comme l’indiquent les tessons de céramique trouvés sur place ne dépassant pas le VI è siècle et le début du VIIè siècle en provenance d’Afrique, de Chypre et d’Asie mineure. Au moment des invasions musulmanes en 711 Baelo Claudia avait disparu.

 

Baelo Claudia a donc connu son âge d’or au Ier et surtout au IIè siècle. C’est elle que nous pouvons voir aujourd’hui. Elle réunit sur une superficie réduite tous les édifices qui font d’elle une Rome miniature. Examinons ses principaux monuments.

 

II. LES GRANDS MONUMENTS DE BAELO

A. LES MATERIAUX DE CONSTRUCTION

La pierre utilisée dans la construction de Baelo sont le grès et le calcaire pour les moellons des murs, les dalles de rue, les seuils, marches et escaliers. Il s’agit d’une roche dure et cassante pour le calcaire, souvent enseveli sous les débris de la taille dans les carrières des Sierra de la Plata et du San Bartolomé.

La calcarénite roche dure et compacte, a servi pour les éléments porteurs des édifices : chaînages, jambages, colonnes et chapiteaux.

L’extraction se faisait par grands blocs encore visible à la Punta Camarinal proche de Baelo et transportables par mer.

 

B. L’URBANISME

1°) L’enceinte entourait la plus grande partie de la cité parfois surélevée de 2 à 3 m. elle est bien conservée (2 à 3m) au nord-est près de la porte d’Asido elle-même en blocs de calcarénite et moellons calcaire, et au sud-ouest du théâtre. 8 tours sur une quarantaine ont été étudiées et 3 portes flanquées de tours sont connues: de Carteia à l’est en grands blocs calcaire à bossages, et de Gades à l’ouest en opus caementicium sur l’axe du decumanus maximus. Le périmètre est d’environ 1400m de forme rectangulaire dans la moitié sud, triangulaire dans la moitié nord. Le tracé est incertain au sud face à la plage. Le flanc est du rempart est le mieux conservé et fait apparaître deux époques de construction : la première surtout visible au nord et au nord-est, augustéenne, ne dépasse pas quelques dizaines de cm, ailleurs, elle a été arasée et rebâtie 50 ans après autour de 50-60 ap J-C en opus caementicium probablement à cause de secousses sismiques. Les courtines entre les tours sont rectilignes, mais concaves à l’extrémité nord.

Cette muraille portait une signification plus symbolique que défensive, un des éléments de la romanité.

 

2°) Les rues & insulae :

La ville a été dessinée selon un quadrillage parfait à partir du decumanus maximus de la porte de Carteia à celle de Gades. Il est large de 9m. Deux decumani ont été reconnus (maximus et celui du théâtre) et quatre cardines

(1, 2, 3 et la rue à colonnes dans la ville basse au sud). Seule, l’insula du forum est presque totalement mise au jour. Au sud dans le quartier des fabriques de salaisons et la rue à colonnes, le plan demeure orthogonal.

 

 

C. LE FORUM, CENTRE RELIGIEUX, CIVIQUE & COMMERCIAL

Il a une superficie d’un hectare au centre de la cité. Il est composé presque exclusivement de bâtiments publics délimité au sud par le decumanus maximus, au nord par le decumanus du théâtre, à l’est par le cardo 4 ou rue à colonnes, à l’ouest par le cardo 3. Selon le plan-type du forum fermé du Ier siècle av J-C et répandu dans tout l’empire, on trouve une place dallée au centre, temples et basilique face à face nord-sud, la Curie et bâtiments administratifs à l’ouest, les boutiques à l’est.

 

1°) Les temples :

Les trois temples capitolins et le temple d’Isis à l’est ont été placés sur une terrasse à 5 m au dessus de la place du forum, symbole de la supériorité divine.

Les trois temples capitolins :

Dédié à la triade capitoline Jupiter, Junon et Minerve, le sanctuaire a également intégré le culte impérial à partir de Vespasien. Les statues divinisées des empereurs s’élevaient devant les temples face à la place du forum.

Chaque temple était dressé sur un podium. Il s’agit de temples tétrastyles pseudo-périptères : 4 colonnes en façade du portique, 2 latérales pour le pronaos, puis 6 pilastres engagés dans les murs de la cella et 3 pilastres à l’arrière. Ces pilastres étaient surmontés de chapiteaux corinthiens au décor en stuc, les fûts de colonnes étant partiellement cannelés. L’entablement comportait une architrave, une frise lisse et une corniche à modillons. On a trouvé 3 têtes de lion placées en haut des murs latéraux entre les modillons de la corniche d’ordre purement décoratif.

Dans le temple C à la cella la mieux conservée on découvre la base moulurée du socle sur lequel ont été posés les fragments d’une déesse assise : probablement Junon.

De l’autel central servant aux 3 temples, il ne reste que la fondation. En revanche on a trouvé des morceaux de 2 tables d’autel en calcarénite recouvertes d’un double enduit de mortier de tuileau et de stuc blanc. Elles devaient être au nombre de trois comme les temples sur un autel commun.

La datation pour les 3 temples a pu être établie sous le règne de Néron, mais le sanctuaire existait déjà sous Auguste. La reconstruction s’est imposée vers 60-70 ap J-C probablement à cause d’un séisme qui avait aussi affecté l’enceinte de Baelo.

Dans la cella du temple B deux statues sans têtes ont été retrouvées au pied du socle de la statue de Jupiter, peut-être des empereurs.

Cette triade peut se comparer à celle de Sufetula (Sbeitla en Tunisie) visitée par les latinistes en 2007, mais beaucoup mieux conservée que celle-ci !

Au sud de l’esplanade, le mur s’incurve et correspond à la fontaine centrale.

Le temple d’Isis :

En bordure du cardo 4 à l’est du Capitole on sait que ce sanctuaire est consacré au culte d’Isis par les inscriptions qu’on y a découvert : Isidi Dominae (à Isis, la maîtresse). Il comporte 5 espaces, le portique, la cour englobant le temple au centre, à l’arrière les logements des prêtres et une salle d’initiation. A côté du temple on a découvert un foyer contenant des restes calcinés d’offrandes et des monnaies et un puits en sous-sol, éléments indispensables au culte d’Isis par la liturgie du feu et de l’eau afin d’éveiller la déesse quotidiennement.

La salle d’initiation présente un grand intérêt. On pénétrait dans une salle ouverte sur le pourtour et couverte par un toit sur colonnes au centre. Au milieu se dresse un petit autel ou un piédestal d’image sacrée, puis au fond côté ouest, une crypte minuscule où les croyants devaient s’accroupir et s’éclairer une fois la porte fermée : des lampes à huile ont été trouvées sur place. Cet agencement des lieux correspond à des rituels initiatiques fondés sur l’observation du ciel nocturne « pour les dieux d’en haut » et la révélation « des dieux d’en bas » dans la crypte.

Ce temple a pu être daté au Ier siècle ap J-C sous les Flaviens lorsque le culte d’Isis était très en vogue. Sa démolition fut provoquée par un séisme. Des habitations prirent sa place du IVè au VIIè siècle.

 

2°) La place du Forum & la tribune aux harangues :

La place est entourée de portiques. C’est un rectangle de 37mx30m, le cœur politique de la cité lors des réunions de citoyens. L’area est dallée et drainée par un système d’évacuation des eaux.

La tribune ou rostra domine la place de 1m,5 au nord d’abord isolée puis intégrée à la terrasse. Derrière, la fontaine incurvée était couverte de plaques de marbre. En plus de sa beauté elle récupérait les eaux de pluie et étayait la terrasse des temples

Entre 50 et 75 la place fut raccourcie pour construire la basilique au sud et intégrer la tribune dans la terrasse au nord.

 

3°) La Basilique : C’est le bâtiment le plus important de Baelo après le théâtre où les duumvirs, magistrats suprêmes de la cité rendaient la justice pour des affaires mineures.

Elle se compose d’un bâtiment rectangulaire de 35m,5 de longueur x 19m,5

de largeur à un étage doté seulement d’une galerie, et situé au sud de la place du forum. Elle clôture l’espace civique et religieux étant elle-même bordée au sud par une autre place. Les vestiges révèlent une construction soignée (grand appareil de calcarénite et panneaux en moellons de petit appareil en calcaire gris). L’épaisseur des murs est de 80 cm. Quelques restes de stuc montrent que le bâtiment était uniformément blanc s’ouvrant par 3 portes sur le forum. Il est supporté par 20 colonnes (8 sur les 2 longueurs) à 8 tambours en calcarénite, hautes de 4m,7 et surmontées de chapiteaux ioniques peints (traces rouge et jaune). Dans la nef centrale couvrant la moitié de la superficie de la place du forum on rendait la justice devant la statue de Trajan sur un piédestal. Cette statue en marbre blanc presque intacte mesure plus de 3m et représente Trajan en toge, donc en tenue de magistrat. Contre sa jambe droite il y a une corne d’abondance, symbole de prospérité et d’harmonie.

Trois autres socles laissent supposer la présence d’autres statues impériales car la Basilique a pu servir de lieu de culte impérial :aedes augusti temple de l’empereur. D’après Vitruve le lieu servait aussi aux rendez-vous d’affaires, negotia. C’est un édifice néronien qui a succédé à celui de la période augustéenne. Il a été touché par un séisme au début du IIIè siècle. (tambours de colonnes alignés à terre)

 

4°) Les édifices du portique ouest :

Au centre probablement la Curie entre le portique du forum et le cardo 3

17m,5 de profondeur x 9m,3 de façade donnant sur le portique. Les sols sont en opus signinum.

Le bâtiment sud : 2 salles contigües ouvrant sur le portique du forum, peut-être le tabularium. Dans le sol on a observé des creux réguliers alignés parallèlement aux murs comportant des trous, dont l’un avec du plomb. On peut en déduire un emplacement d’étagères destinées aux archives de la cité.

La salle attenante au tabularium est divisée en 2 parties égales par un mur médian percé d’une ouverture centrale. Il s’agit très certainement d’une salle de votes. Seuls les responsables du scrutin avaient accès à la salle du fond et se faisaient transmettre les bulletins de vote des citoyens par le guichet.

Le bâtiment nord : probablement une salle de réunion soit de la Curie, soit pour les magistrats ou encore une schola (corporation)

Les bâtiments du centre et du sud datent du règne de Néron, celui du nord est flavien fin Ier siècle.

 

5°) Les équipements commerciaux :

Le forum fut aussi la place du marché bordée par des boutiques côté est. La place méridionale a pu remplacer celle du forum dans le rôle de marché.

Le macellum fut édifié à l’angle sud-ouest du centre monumental.

 

6°) Les boutiques du Forum augustéen :

6 pièces bordent la galerie orientale du forum. Les murs sont en moellons calcaires liés par de l’argile. Le sol est en terre battue et on note la présence de canalisations d’évacuation. Peut-être des commerces de la viande et du poisson. 10 boutiques à l’origine grâce à une place du forum plus longue.

 

7°) Le macellum :

Construit à la fin du Ier siècle ap J-C il se présente en 2 parties : les portiques et vestibules, le marché avec ses boutiques et sa cour centrale. Les portiques étaient constitués de colonnes de 5m,35 à chapiteaux d’ordre composite inversé. Les dimensions du bâtiment sont de 25m,40 de longueur x 18m de large. S’y ajoute une petite exèdre au nord. 4 boutiques donnent sur l’extérieur de part et d’autre de l’entrée principale au sud. La cour est un rectangle à pans coupés de 131m2 à ciel ouvert car le sol incliné en mortier de tuileau menait à des rigoles latérales évacuant l’eau de pluie des toits.

10 boutiques internes de 3m de large ouvraient sur la cour par des panneaux coulissants et un portillon fermé. 12 colonnes engagées à chapiteaux corinthiens soutenaient les murs de séparation. Les sols sont recouverts de mortier de tuileau et les murs d’un enduit de sable et de chaux. Les boutiques nord bénéficiaient d’un entresol. Après l’effondrement des toitures, les boutiques intérieures furent sacrifiées à la fin du IIè siècle. Fin IIIè, il fut abandonné. Au IVè siècle il sert de dépotoir. Une fois détruit, on y érigea 2 maisons.

 

8°) La place méridionale :

Cette place rectangulaire de 15m,2 x 17m,5 se situe au sud de la basilique. Elle est couverte de dalles de calcaire gris. Un escalier mène au decumanus maximus.

Deux autres bâtiments, l’édifice aux 2 escaliers qui servait probablement de siège d’une corporation de la cité ou de l’administration commerciale, et le bâtiment à abside qui devait pouvoir accueillir les marchands durant les intempéries. Enfin le bâtiment du sud-est est le pendant du macellum, mais sa fonction reste mystérieuse.

 

D. LE THEÂTRE

Il fut construit à la fin du règne de Néron et au début de celui de Vespasien en 60-70. Il fut abandonné au cours du IIIè siècle puis réinvesti par un habitat et une nécropole chrétienne de la fin du IVè siècle au VIIè siècle.

A l’écart du centre monumental, près du rempart ouest, son emplacement a été choisi en fonction de la pente la plus forte dans l’espace urbain. Il s’intègre parfaitement dans le quadrillage orthogonal de la cité : parallèle au decumanus et dans l’axe du cardo 1. Le mur de la façade est de 67m de long conservé sur une hauteur de 2à 3 m. Il devait s’élever à 15m comme le mur de scène. Certains blocs laissent supposer la présence d’un portique derrière la scène semblable à celui du théâtre de Merida.

La construction de la cavea en hémicycle est adaptée à plusieurs types de techniques :

L’adossement au terrain pour les gradins inférieurs et moyens

La summa cavea (supérieure) et l’attique reposent sur une structure de murs annulaires concentriques et de murs radiaux qui les croisent. Entre deux vomitoires trois espaces sont délimités. Les deux premiers espaces intermédiaires sont comblés de terre, l’espace le plus extérieur est massif et intègre dans sa maçonnerie des escaliers reliant les vomitoires à l’attique.

Aux extrémités sud de la cavea le problème du support des gradins fut résolu par l’ajout de voûtes en grand appareil intégrées dans les murs concentriques créant ainsi des couloirs voûtés pour la circulation des spectateurs ou des espaces fermés pour le rangement du mobilier du théâtre.

L’intérêt de ces techniques de caissons remplis de terre consistait à réduire les coûts dus à la création de voûtes sous les gradins et à la contrainte des murs enterrés en profondeur beaucoup plus onéreuse.

La scène de 34m x 6m,5 domine l’orchestra de 1 m. Elle est précédée d’un mur d’avant-scène richement décoré le pulpitum dont le haut atteignait le niveau de la scène. La façade alternait niches circulaires et bassins rectangulaires en marbre blanc remplis d’eau par des silènes de marbre encore visibles.

 

E. LES AQUEDUCS ET LES THERMES

1°) Trois aqueducs approvisionnaient Baelo en eau, deux depuis des sources abondantes au pied de la sierra de la Plata. Les besoins en eau étaient importants à cause des thermes et des fabriques de salaisons de poissons dont il fallait assurer le nettoyage. Un des aqueducs est relié à la grande citerne au nord de la cité de 30m x 6m. Un tronçon de cet aqueduc est visible sur 15m environ dans l’enceinte. Le troisième aqueduc part de la source de Punta Paloma à 6km de Baelo. Ils sont de la première moitié du IIè siècle au milieu du Ier siècle.

 

2°) Les Grands Thermes se trouvaient probablement à l’est du théâtre comme le laisse présager la présence de grands blocs. Le secteur est encore inexploré

 

3°) Les thermes de la Porte de Gades :

Ils n’ont pas été clairement identifiés : privés, semi privés dans un grand domus ou appartenant à un grand établissement thermal ?

Les pièces en enfilade du sud au nord comprennent un frigidarium de deux piscines d’eau froide, une salle tiède permettant l’usage du strigile pour décrasser la peau et la huiler destrictarium / unctorium, un deuxième tepidarium avant d’arriver dans le cella soliaris pour un bain chaud placé au dessus d’un foyer alimentant des hypocaustes. L’autre bain le labrum servait aux aspersions puis on revenait sur ses pas pour le bain froid du frigidarium ou des aspersions dans l’abside de l’est.

F. EDIFICES PRIVES :MAISONS & FABRIQUES DE SALAISON 

Deux maisons déjà fouillées au début du XXè siècle sont les plus intéressantes. Il s’agit de domus du haut empire dans le quartier du port.

 

1°) La maison du Cadran Solaire et la maison de l’Ouest.

Elles ont une superficie de 500m2 environ et leurs pièces sont réparties autour d’une cour à péristyle. La première se situe à l’est de la rue à colonnes (cardo 4) la deuxième sur le côté ouest. Elles appartenaient toutes deux à des riches commerçants propriétaires de fabriques de salaisons de poissons.

 

2°) Maison du Cadran solaire :

Pièces ouvrant sur un péristyle de type délien doté d’une cour de 27m2 et d’une galerie couverte de 108m2. Dans la cour le sol en opus signinum était équipé d’un égout pour évacuer l’eau de pluie de la galerie couverte. Un puits occupait le centre de la cour. L’eau douce était accessible à faible profondeur.

Des petites pièces ouvraient sur les galeries nord et sud ; Le long de la galerie est, face au vestibule se trouvaient le triclinium (12) et la salle d’apparat (13) spacieuses et décorées. Un foyer dans l’angle nord-ouest du péristyle permet de supposer que la pièce(10) était la cuisine. La salle (19) ouverte sur le nord communique avec la fabrique de salaisons.

Il en va de même pour la Maison de l’Ouest qui détenait en façade une boutique de vente de poissons et des bassins de salaison dans l’arrière-boutique.

La décoration intérieure s’est dégradée depuis les fouilles de P.Paris entre 1917 et 1921. La technique du fond de stuc recouvert de peinture particulièrement rouge était fréquente pour servir de fond à une décoration géométrique, végétale ou florale ou d’un simple bandeau.

Faute d’indices stratigraphiques l’examen des matériaux de construction affine l’estimation de la datation. Les moellons de façade de la Maison de l’Ouest en calcaire gris ressemblent à ceux de la basilique du Ier siècle vers 60.

Pour la Maison du Cadran Solaire, les moellons de grès beige et rougeâtre rappellent ceux du Temple d’Isis bâti sous Domitien.

 

3°) Les fabriques de salaison :

Dès le Vè siècle av J-C les conserves de poisson de Gades jouirent à Athènes d’une grande réputation. Le Détroit de Gibraltar était très poissonneux et bénéficiait d’une migration de thons 2 fois par an. Les fabriques de salaisons se développèrent tout au long de la côte, et particulièrement à Baelo.

 

Deux produits sortaient des fabriques : les salsamenta poissons salés, l’essentiel de la production à partir de poissons à chair épaisse (l’espadon, l’esturgeon et le thon) Il était débité, salé puis conservé pendant 20 jours dans de grandes cuves. Reconditionné dans des amphores il était exporté vers les marchés de toutes les provinces romaines.

Le garum appelé aussi liquamen ou muria est une liqueur de poisson totalement décomposé dans la saumure. Sa qualité était tributaire d’autres ingrédients : crevettes, herbes, coquillages, œufs de poissons. Le garum le plus apprécié utilisait des petits poissons des maquereaux et des rougets.

A Baelo les fabriques monopolisaient tout le bord de mer au sud du decumanus maximus et au-delà de l’enceinte vers l’ouest.

 

Dans la ville basse les fouilles de P. Paris au début du XXè siècle ont mis au jour trois établissements à l’ouest de la rue à colonnes et un autre à l’est qui sont très diversifiés de la conserverie artisanale à la grande entreprise.

Deux exemples illustrent l’ensemble.

A l’est de la rue à colonnes la conserverie (I) se limite à une salle en deux parties : une pour la découpe et la préparation du poisson donnant sur le Cardo 4 d’environ 7m x4m. Le sol est fonctionnel en mortier de tuileau et en pente pour l’évacuation vers un collecteur d’eaux usées. L’autre partie de taille identique est un ensemble de 6 cuves à salaison aux parois de moellons couverts d’un mortier imperméable aux angles et renforcés pour l’étanchéité

D’une contenance de 8m3, en tout presque 50m3. La petite cuve en façade pouvait servir à la fabrication du garum.

Plus au sud-ouest de la rue à colonnes, ouvrant sur le cardo du forum voici la grande entreprise de Baelo la mieux conservée(V).La porte est encadrée par des pièdroits à chapiteaux et surmontée d’un linteau monolithe. Elle est bien préservée sur presque toute sa hauteur de 4m,5 et les murs comportent des fenêtres à ébrasement afin de conserver la fraîcheur tout en donnant lumière et aération. La longue salle (3) face à l’entrée servait à vider les thons, leur couper la tête et les nageoires et à les laver à grande eau sur un sol en mortier de tuileau imperméable et en pente vers un égout. Côté ouest un grand puits fournissait l’eau. La salle(4) associe dépeçage et salaison dans 9 cuves de diverses tailles. Le bâtiment est dépourvu de cloisons mais doté de colonnes supportant les poutres du toit en hauteur afin d’assurer l’aération.

 

Les premières conserveries remontent à l’époque républicaine à la fin du IIè siècle av J-C. Les grands aménagements urbains à l’époque augustéenne en firent disparaître pour en recréer en grand nombre au cours du Ier siècle, celui de l’apogée.

G. LES NECROPOLES

Elles obéissent toutes à la règle de l’installation hors les murs près des grandes voies menant à la cité jusqu’à l’avènement du christianisme. Baelo ne déroge pas à la règle.

 

1°) La nécropole ouest :

Certaines sépultures sont visibles à 300m de la porte de Gades. Au début du XXè siècle J. Furgus découvrit une trentaine de tombes en tuiles disposées en bâtière (à 2 versants) contenant une cruche en céramique commune qui servait d’urne cinéraire, des vases à offrandes, des lacrymatoires (petits flacons à parfum : ungentarium), des objets de parure et des monnaies d’Antonin & Faustine qui datent les tombes du IIè siècle. L’équipe de P. Paris en 1917-21 découvrit un hypogée semblable à ceux de Carmona, grand mausolée à chambre souterraine qu’il avait pris pour un nymphée.

 

2°) La nécropole est :

Peu fouillée avant 1917. Plus de mille sépultures ont été inventoriées, soit les trois quarts du secteur. Plus récemment en 1969,73 et 74 la mise au jour a donné des indications précises sur la datation des tombes et indirectement des informations sur les sites anciens correspondants de la cité.

La nécropole s’étend sur 2 hectares entre la voie de Carteia et la mer et commence à 35m de la Porte de Carteia avec une densité d’une tombe au m2 et une majorité écrasante d’incinérations dans des tombes aux formes très variées.

Trois spécificités : les cupae ou tombes semi-cylindriques (cupa le tonneau) qu’on retrouve dans toute la péninsule ibérique et en Afrique du Nord. Elle comprend deux parties, l’une souterraine, l’urne étant une fosse recouverte de tegulae en bâtière pour les cendres et les vases à offrandes ; l’autre est un support au dessus du sol en maçonnerie pour le toit semi-cylindrique.

Ex : la cupa de M. Sempronius Saturninus.

 

3°) Les enclos à deux compartiments :

Ils se composent d’un mur périphérique épais (50 cm) formant un rectangle ou un carré (2 ou 3m de côté) divisé par un mur intérieur en 2 compartiments inégaux. Le plus vaste contient les cendres et ossements calcinés, donc un ustrinum (lieu de crémation) qui normalement est extérieur à la tombe ; le plus petit sert de dépôt des urnes cinéraires et des offrandes protégées par des dalles de pierre. Le sol est en opus signinum et les parois sont décorées de peintures. Une particularité de Baelo.

Ex : la tombe aux Guirlandes

 

4°) Les mausolées turriformes :

De grands monuments funéraires en forme de tours carrées qui s’alignent le long de la plage de 2 ou 3m de côté bâtis en opus cementicium avec un parement en blocs de calcarénite dont il ne reste que les bases.

Ex : le Hornillo de Santa Catarina encore assez bien conservé en 1917, couronné d’une pyramide jusqu’à 6m de haut avec une niche pour les urnes.

 

Sources : Baelo Claudia une cité romaine de Bétique de Pierre SILLIERES. Casa de Velazquez Ecole des Hautes Etudes Hispaniques – Junta de Andalucia.  

A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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