Arrête ton char Langues & Cultures de l'Antiquité
« Pour Arrête ton char, je suis allée à la rencontre de Marjolaine Renvoisé, agrégée de lettres classiques, enseignante dans le second degré et autrice du Petit latin « La confession d’Agrippine ». Elle revient avec nous sur le personnage historique d’Agrippine et sur la manière dont elle lui a donné une voix… »
Julie Wojciechowski
J.W. : Bonjour Marjolaine Renvoisé. Peut-on dire que cet ouvrage est la voix d’Agrippine qui se fait enfin entendre ?
Marjolaine Renvoisé : Bonjour. Oui, c’est l’originalité de La confession d’Agrippine. Il s’agit d’un ouvrage écrit à la première personne, qui donne donc la parole à la protagoniste. Ce n’est pas le choix que j’avais fait au départ, et l’idée m’a été judicieusement soufflée par Laure de Chantal, qui m’a aussi suggéré la forme épistolaire.
J.W. : Qu’apportent au récit ces choix littéraires ?
M.R. : Plusieurs intérêts. Ils créent tout d’abord une certaine proximité entre Agrippine et ses lecteurs, puisqu’elle s’adresse directement à eux à travers la lettre. De plus, recourir à la première personne m’a permis de nuancer son portrait, en introduisant dans l’ouvrage une part d’intime et en imaginant quelles auraient pu être ses pensées et ses réflexions dans un certain nombre de situations qu’elle a vécues.
J.W. : Les auteurs antiques abordent-ils ces situations ?
M.R. : Oui, mais ils ne font que très peu parler Agrippine (on retient surtout le fameux “frappe au ventre !”, rapporté au style indirect chez Tacite : ventrem feri exclamavit). Il me paraissait donc intéressant de lui donner la parole, puisque cela contribue à la rendre moins monstrueuse aux yeux des lecteurs.
J.W. : Quelles leçons pouvons-nous retenir d’Agrippine ?
M.R. : Même si l’ouvrage n’est pas particulièrement conçu pour avoir une portée morale, on peut tout de même en tirer quelques leçons, données implicitement par Agrippine elle-même. D’abord, elle nous apprend ce que c’est qu’être une femme de la haute noblesse romaine et ce que signifie tenir son rang. Au début de la lettre, elle présente ses ancêtres et ses origines “illustres” avec un certain orgueil et une conscience de son rang qui peuvent expliquer pourquoi elle a tout fait pour faire monter son fils sur le trône impérial : elle considère que le pouvoir a échappé à sa famille lorsque son père a été assassiné et que donner le pouvoir à Néron n’est finalement rien d’autre que de réparer une injustice. Agrippine peut également être considérée comme un modèle de persévérance et de ténacité : sa jeunesse a été jalonnée par une série de drames, ses différents mariages n’ont pas forcément été très heureux et, en tant que femme, ses ambitions ont été contrariées par un certain nombre de personnages masculins. Face à ces difficultés, elle a tenu bon et a réussi à atteindre le but qu’elle s’était fixé.
Enfin, alors qu’elle se sait menacée par les sbires de son fils, elle n’a pas peur d’affronter son destin : résignée, elle accepte sa mort imminente et profite de ses derniers instants de lucidité pour rédiger cette lettre testament, avec une certaine forme de sagesse.
J.W. : Quel est votre épisode coup de cœur ?
M.R. : Avant de commencer le travail documentaire préalable à la rédaction de ce Petit Latin, j’ignorais tout ce qui concerne la première partie de la vie d’Agrippine. C’est finalement une figure que l’on connaît mal : on sait qu’elle est la mère de Néron et que ce dernier a commandité son meurtre, qu’elle a été la dernière femme de Claude et qu’elle l’a fait empoisonner, ou encore qu’elle a manigancé pour amener son fils à la tête du pouvoir.
On sait moins en revanche que toute la première partie de sa vie a été marquée par de nombreux drames et c’est, paradoxalement, cela qui constitue mon épisode “coup de cœur” : elle a perdu ses parents très jeune (son père Germanicus, promis à l’Empire, aurait été victime d’un complot en raison de sa trop grande popularité tandis que sa mère est morte en exil) ainsi que plusieurs de ses frères (morts en exil ou en prison) et elle a elle-même été exilée, ce qui l’a conduite à être séparée de son fils alors qu’il n’avait que deux ans. Tous ces événements, survenus dans sa jeunesse, sont méconnus alors qu’ils constituent une clé pour comprendre qui elle est vraiment et pourquoi elle avait une telle soif de revanche.
J. W. : Trois séances pédagogiques sont disponibles sur le site de La vie des classiques.
M. R. : Tout à fait, pour accompagner l’ouvrage et montrer comment il peut être exploité en classe, j’ai conçu trois séances pédagogiques qu’il est possible de consulter et de télécharger gratuitement sur le site de La vie des classiques. Ces trois séances sont indépendantes. Certaines peuvent être utilisées au collège, d’autres au lycée. La première s’intitule “des origines illustres” et propose un travail sur le thème de la famille et notamment la réalisation d’un arbre généalogique.
La deuxième, qui contient un autre arbre généalogique à compléter, est consacrée au statut de la femme romaine dans le cadre du mariage. La troisième séance, intitulée “amis et ennemis”, est avant tout une séance de langue permettant de travailler sur les valeurs des démonstratifs hic, iste et ille. Chacune de ces séances comporte trois documents : une fiche élève, une fiche enseignant (avec le corrigé de l’ensemble des questions) et un document complémentaire sous forme d’annexe. Il est évidemment possible de les remanier.
Pour aller plus loin :
- Retrouvez 3 séances pédagogiques clé en main sur le site de la Vie des classiques !
https://www.laviedesclassiques.fr/club/ressources/de-agrippinae-confessione-la-confession-dagrippine
- « Entretien impérial » avec Marjolaine Renvoisé :
