“Invictus” : un titre latin qui se justifie triplement

Invictus est un film américain actuellement à l’affiche réalisé par Clint Eastwood, qui met en vedette Matt Damon et Morgan Freeman dans le rôle de Nelson Mandela, et ce titre est bien évidemment un mot latin. 

Le film n’ayant, de près ou de loin, aucun rapport avec l’antiquité ( il raconte comment Nelson Mandela a réussi à unifier l’Afrique du Sud en misant tout sur la Coupe du monde de rugby 1995 ), on pourrait se demander si c’est juste un caprice, ou si un mystère se cache là dessous…
On peut lire partout que ce titre a rapport avec la littérature, à savoir un poème anglais et qu’invictus signifie "invaincu". Toutefois, s’arrêter là, c’est passer à côté d’un mot qui signifie bien plus que ça…
1.   Invictus est donc le titre d’un poème qui avait beaucoup marqué Nelson Mandela, écrit par le critique, éditeur et anglais William Ernest Henley, en 1875, à qui l’on venait d’amputer une jambe qui écrivit ce poème comme une démonstration de sa résistance à la douleur. 
Lors d’une interview pour le Reader’s Digest, Mandela confia que ce poème l’avait aidé à tenir pendant toutes ses années de prison, notamment les derniers vers : « Aussi étroit soit le chemin, Bien qu’on m’accuse et qu’on me blâme Je suis le maître de mon destin, Et capitaine de mon âme. »
Invictus
Out of the night that covers me,
    Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
    For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
    I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
    My head is bloody, but unbow’d.

Beyond this place of wrath and tears
    Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
    Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
    How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
    I am the captain of my soul.

 
 
 
 
2.  Intéressons nous un peu plus à ce mot latin, et regardons ce que notre bon vieux Gaffiot nous propose :
Du côté d’invictus, adjectif dérivé d’un participe passé, ça se résume en effet à "invaincu". Rappelons un peu le propos  du film :
11 février 1990 : Nelson Man­dela est libéré après avoir passé 27 an­nées derrière les barreaux. Le 27 avril 1994 : le lauréat du prix Nobel de la paix est élu président de la république d’Afrique du Sud. Dans son discours d’investiture, il promet la fin des inégalités raciales. Le temps du changement est venu. Il veut en finir une fois pour toutes avec la peur de l’autre et construire « une nation arc-en-ciel ». Persuadé que le sport peut favoriser la réconciliation entre les peuples, Mandela s’investit personnellement dans la Coupe du monde de rugby qui se déroulera dans son pays l’année suivante. Pour parvenir à ses fins, il encourage l’équipe nationale, les Springboks, qui accueille son premier joueur noir, Chester Williams. Tout un symbole… La victoire de l’Afrique du Sud au championnat en 1995 est une étape essentielle dans l’abolition de l’Apartheid. 42 millions d’habitants se sont unis par amour pour le sport, oubliant la couleur de leur peau et appliquant les valeurs de leur leader : la compassion et la géné­rosité, plutôt que la vengeance.
On comprend aisément que ce qui est "invaincu", c’est à la fois la foi d’un homme politique qui croit en la paix, mais aussi d’une équipe, qui croit en ses forces.
"Invictus" dérive du verbe "vinco".:
3. Et d’ailleurs, pas très loin de ce verbe "vinco", on trouve un autre verbe "vincio", qui a un supin vraiment très proche… vinctum… qui nous donnerait un mot comme "invinctus"… qui peut très bien aussi s’appliquer à ce film et à sa double thématique : un homme politique fraîchement sorti de sa prison (vincula en latin), et une équipe, qui casse ses préjugés…
 
 
 

A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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