La phrase latine du mois : Vitiis nemo sine nascitur

La phrase latine du mois : Vitiis nemo sine nascitur

par Estelle Debouy

 

Si la formule « Nobody is perfect » vous fait peut-être penser à la célèbre réplique finale du film Certains l’aiment chaud de Billy Wilder, elle fait pourtant partie de ces pensées proverbiales qui remontent à l’Antiquité.

L’Évangile a recours à la parabole de la paille et de la poutre1, alors qu’Horace, dans ses Satires (I, 3, 68-75), se sert d’une autre image, celle des bosses et des verrues, pour inviter chacun à accepter autrui tel qu’il est :  qu’on se le dise, personne n’est parfait !

Nam uitiis nemo sine nascitur ; optimus ille est,

Qui minimis urgetur. Amicus dulcis, ut aequum est,

Cum mea conpenset uitiis bona, pluribus hisce,

Si modo plura mihi bona sunt, inclinet, amari

Si uolet : hac lege in trutina ponetur eadem.

Qui, ne tuberibus propriis offendat amicum,

Postulat, ignoscet uerrucis illius : aequum est

Peccatis ueniam poscentem reddere rursus.

Proposition de traduction :

Car personne ne naît sans défauts ; le meilleur est celui qui est accablé des moindres. Qu’un ami indulgent, comme il est juste, mette en balance mes qualités et mes défauts, et qu’il fasse pencher pour mes qualités, en plus grand nombre – du moins si elles sont bien en plus grand nombre – s’il veut être aimé : d’après cette loi, on le mettra dans la même balance. Celui qui souhaite ne pas choquer un ami avec ses propres bosses, pardonnera aux verrues d’autrui : il est juste, quand on réclame l’indulgence pour ses fautes, de rendre la pareille.

Étymologie :

Le verbe urgeo, -ere, ursi signifie « presser, accabler » d’où l’adjectif « urgent » en français. Ce verbe est ici employé au passif et a pour complément minimis (uitiis).

Le verbe compenso, -are, -aui, -atum, ici employé au subjonctif (comme inclinet au vers suivant), signifie « mettre en balance, contrebalancer », d’où notre verbe « compenser ». Horace file ici la métaphore, puisqu’il emploie au vers suivant le verbe inclino (faire pencher), et un peu plus loin le nom trutina, -ae, f. qui désigne la balance.

Le verbe postulo, -are, -aui, -atum signifie « demander, souhaiter » que (ut) / que ne pas (ne).

C’est ce qu’exprime aussi Sénèque le Rhéteur dans les Controversiae (II, 4, 4), dans cette formule d’une grande concision, nemo sine uitio est, exemples à l’appui 2:

Nemo sine uitio est : in Catone <deerat> moderatio, in Cicerone constantia, in Sulla clementia. Ad summam, tres fuimus, omnes peccauimus : ego quod abdicaui, frater quod tacuit, tu quod pro fratre non rogasti. Personne n’est exempt de défaut: Caton manquait de mesure, Cicéron de constance, Sylla de clémence. Bref, nous étions trois, mais nous étions tous fautifs: moi, parce que je l’ai renié, ton frère, parce qu’il s’est tu, et toi parce que tu n’as pas parlé en faveur de ton frère.
1« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » (Évangile saint Matthieu, 7, 3-5).
2Ces mots sont prononcés par un homme qui se repent d’avoir renié son fils. Mais il affirme n’être pas le seul à blâmer.

 

Cette chronique est adaptée  de Ipse dixit! Le latin en bref d’Estelle Debouy

 

Dans ce livre, Estelle Debouy souhaite laisser la parole aux auteurs latins : ainsi, plutôt que de lui faire réviser des règles de grammaire, elle propose au lecteur qui a le désir de perfectionner son latin, de se replonger dans la lecture des grands auteurs de l’Antiquité latine. À travers la lecture bilingue de proverbes latins en contexte, ce livre permettra au lecteur de se remettre de façon plaisante à l’apprentissage de la langue.

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes et attachée à leur rayonnement et à leur promotion dès l'école primaire. Co-responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

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