On a testé pour vous : l’exposition sur les vins, huiles et parfums dans la Méditerranée antique, au Collège de France

 

Aujourd’hui, direction le Collège de France qui offre une exposition originale (et gratuite) qui se visite à cheval entre ses deux sites, dans le 5ème arrondissement de Paris. Il est préférable de commencer par l’Institut des Civilisations (52 rue du Cardinal-Lemoine), où les lieux et œuvres présentés relèvent de l’archéologie en Gaule romaine, Italie, Grèce et Égypte. On peut ensuite se rendre au siège historique du Collège de France (11 place Marcelin-Berthelot) où sont exposées 22 œuvres céramiques, en bronze et verre des Antiquités grecques et romaines du Louvre. Cet agréable trajet à travers le Quartier latin est d’ailleurs l’occasion de longer, rue Descartes, le Pavillon Boncourt, qui abrite le ministère de l’Enseignement supérieur, depuis que l’École polytechnique a déménagé à Palaiseau il y a près d’un demi-siècle.

L’exposition s’appuie principalement sur les travaux de Jean-Pierre Brun, professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire Techniques et économies de la Méditerranée antique. En voici quelques aperçus de cette exposition, sachant que par ailleurs le livret fourni à l’entrée de l’exposition constitue un bon document pédagogique.

 

Citons en liminaire Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle, cette encyclopédie publiée sous Vespasien, en 77 après JC :

 

Duo sunt liquores humanis corporibus gratissimi, intus vini, foris olei, arborum e genere ambo praecipui, sed olei necessarius.

Il y a deux liqueurs très agréables au corps humain, le vin en dedans, l’huile au-dehors. Ces liquides, produits de deux arbres, sont excellents ; mais l’huile est un objet nécessaire.

Pline l’Ancien, Historia naturalis (Livre XIV, XXIX, 150), traduction de Philippe Remacle

 

Commençons notre parcours par les parfums et les huiles.

L’huile d’olive participait à l’alimentation mais, parfumée ou non, servait également à de très nombreux autres usages : les soins du corps, la parfumerie, la médecine et la pharmacie, les rites religieux et funéraires, les banquets, l’artisanat textile, l’éclairage et le graissage. Les aristocrates se parfumaient les cheveux. Ces parfums étaient contenus dans une grande variété de flacons : aryballes, alabastres, lécythes, unguentaria (fioles)…

Pour la typologie des vases grecs, cf. l’article de Robert Delord sur le site d’Arrête ton char.

 

Source : Jean-Pierre Brun et Nicolas Monteix, Les parfumeries en Campanie antique, OpenEdition Books

La peinture ci-dessus, qui orne l’œcus (salon d’une maison romaine) de la Maison des Vettii à Pompéi, représente cinq étapes de l’artisanat du parfum dans une boutique, de droite à gauche :

  1. l’extraction de l’huile à parfum avec une presse à coins ;
  2. l’enfleurage à chaud de l’huile dans un chaudron sur un foyer ;
  3. le broyage des ingrédients, notamment des résines, dans un mortier ;
  4. le comptoir de vente avec la balance, le papyrus et, dans l’armoire à l’arrière-plan, des files de flacons à parfums et une statuette de Vénus ;
  5. un vendeur qui fait essayer un parfum à une cliente sur son poignet.

 

Source : Plaque Campana ED1934, Grand Palais – Réunion des musées nationaux

Cette plaque de la collection Campana, issue d’Italie et datant d’entre -50 et 50 avant JC, représente une offrande de boules de gomme aromatique encens ou myrrhe), sur un brûle parfum, par deux Victoires.

 

Les fouilles archéologiques ont également mis à jour des parfumeries sur l’île de Délos, dans les Cyclades grecques. Une vidéo captivante de Jean-Pierre Brun explique la démarche archéologique qui a été menée. La maquette ci-après restitue une parfumerie du quartier du stade à Délos. La boutique est dotée d’un pressoir à coins servant à extraire le parfum. Le pressoir fonctionne à l’aide de deux madriers horizontaux emboîtés dans les rainures verticales des cadres en bois. Ces madriers appuient en coulissant sur des filtres circulaires remplis d’olives ou d’aromates.

Photo personnelle

 

Poursuivons par une séquence d’exposition assez inattendue, qui valorise la recherche archéologique dans le désert arabique (oriental), en Egypte et qui m’a particulièrement plu. Il s’agit des découvertes réalisées dans des praesidia, ces forts romains érigés sur les itinéraires caravaniers entre le Nil et la Mer Rouge. Nous les distinguons bien ces axes, par lesquels les matières premières des parfums étaient acheminés depuis l’Inde vers la Méditerranée, sur la carte ci-après, établie par Jean-Pierre Brun (qui n’est pas présentée dans l’exposition, celle-comprenant une carte similaire mais moins lisible sur mes photos).

Source : Michel Reddé, Fortins routiers du désert Oriental d’Égypte, OpenEdition Books

 

La Mission archéologique française du désert Oriental a mené ses fouilles notamment dans le praesidium de Maximianon (aujourd’hui Al-Zarqa), sur la route allant de Koptos à Myos Hormos ; ce fort est superbement dessiné – comme toujours – par Jean-Claude Golvin.

Photo personnelle

 

Cet environnement extrême, hostile pour l’homme, préserve remarquablement bien les matériaux grâce à sa sécheresse. C’est un paradis pour les papyrologues, étant rappelé que cette science touche également à la céramique et plus largement à tout support mobile d’écriture.

La moisson des archéologues dans les dépotoirs de ces forts est prodigieuse, au sein des couches archéologiques des trois premiers siècles de notre ère, avant l’abandon des praesidia. Les ostraca, ces tessons de céramique (du grec ὄστρακον – ostracon, la coquille) qui servaient à la correspondance, révèlent de nombreuses tranches de vie des garnisons stationnées dans ces fortins, aux marges de l’empire.

En voici ci-contre un exemple sur le col d’une amphore, où le curateur du praesidium de Krokodilo (sur la même route que celui de Maximianon) a recopié en 118 après JC, sous le règne de l’empereur Hadrien, les circulaires passées entre ses mains et qui relataient les attaques de Barbares et mettaient en garde contre des rezzou (raids). Ces circulaires étaient ensuite expédiées au fort suivant, d’où leur nom !

             Photo personnelle

 

Terminons cette exploration par le vin. J’ai choisi trois aspects : la viticulture, le transport du vin (et des huiles) et la consommation de vin.

L’archéologie pratiquée dans plusieurs villae de la Gaule narbonnaise révèle ou confirme que la viticulture y était bien associée à l’oléiculture. La maquette de Pardigan 3 permettent de visualiser, dans son état de la fin du 1er siècle après JC cette villa maritime située à Cavalaire (Var), près de Forum Julii (Fréjus), port par lequel étaient écoulées ses productions. Nous voyons ses installations vinicoles (pars vinaria), au premier plan de la photo et sa partie résidentielle (pars urbana), à l’arrière-plan. Remarquons ainsi les dolia, ces grandes jarres en terre cuite d’une contenance de 400 litres chacune et presque complètement enterrées.

Photo personnelle

 

Au Mas des Tourelles, exploitation viticole de Beaucaire (Gard), une cave romaine de vinification (cella vinaria) a été reconstituée en 1995 selon une démarche d’archéologie expérimentale, ainsi qu’un fouloir à pied (calcatorium) et un pressoir (cf. photo ci-dessous). Des vendanges à la romaine y sont pratiquées chaque année et le Mas des Tourelles produit trois « vins archéologiques ». Sous l’empire romain, cette villa abritait aussi un atelier de poterie très actif, fabriquant chaque année près de 8 000 amphores de 30 litres.

Photo personnelle

 

Après la production, le transport. Autre maquette à ne pas manquer : celle d’un navire à dolia, transportant une cargaison de vin et d’huile (près de 50 tonnes d’emport, en dolia et en amphores) et destiné à approvisionner la vallée du Rhône et au-delà, notamment les légions romaines stationnant sur le limes.

Photo personnelle

 

Le vin étant acheminé, il faut maintenant le boire.

L’amphore à figures noires, originaire d’Athènes au 6ème siècle avant JC et qui illustre l’affiche de l’exposition représente, d’un côté, une scène de vendange et, de l’autre, une scène dionysiaque avec une ménade entourée de deux satyres ithyphalliques (de φαλλός, phallós, le pénis et ἰθύς, ithus : droit).

Source : Musée du Louvre

En définitive, c’est une exposition riche dont le présent article ne pouvait restituer qu’une partie. Merci au Collège de France de nous l’offrir. Courez-y d’ici au 31 janvier 2025 ! Son contenu illustre les apports archéologiques à la connaissance des civilisations de l’Antiquité.

 

Pour aller plus loin :

 

A propos Laurent Caillot

Amateur autodidacte des langues et cultures de l'Antiquité, parallèlement à mon métier d'inspecteur général des affaires sociales

Laisser un commentaire

X