Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes.
Les latinistes du lycée Guy Mollet à Arras, sous la responsabilité d’Agathe Langlet, ont écrit et réalisé un film sur le mythe d’Icare : une enquête déjantée où le commissaire Zeus aidé du lieutenant Hermès cherchent à savoir comment ce garçon est mort… Et si c’était la faute de Dédale ? Texte d’Ovide, tableau de Brueghel, versions discordantes du mythe, anachronismes et jeux de mots : tout est bon pour trouver le fin mot de l’affaire !
Visionnons le film des lycéens ici !
En Bref
Bonjour Agathe, pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’activité “écrire un scénario et tourner un film pour mieux revisiter la mythologie !” ?
Les latinistes du Lycée Guy Mollet, inscrits au concours organisé par l’AFPEAH, ont travaillé sur le mythe d’Icare précisément en vue d’en proposer une première réécriture, sous forme de récit, puis une seconde : un scénario, à la fois respectueux du mythe et décalé, qu’ils ont ensuite filmé en en interprétant tous les rôles.
Avec quelle classe l’avez-vous menée ?
Les élèves de 1ère et de terminale ont tous travaillé sur le mythe d’Icare et participé au concours de nouvelles organisé par l’AFPEAH. Les terminales ont rédigé le scénario que les 1ères ont relu en y apportant leur touche. Pour les besoins de la distribution, les 2ndes ont également été impliqués en incarnant eux aussi des rôles et c’est finalement l’ensemble des latinistes qui a participé au projet.
Aux origines du projet
Quelle est la genèse de ce projet ?
Icare est le thème qu’a choisi l’AFPEAH pour son concours d’écriture. La légende a tellement plu aux élèves que l’idée est venue d’en tirer un scénario puis de le tourner.
Quels objectifs vous étiez-vous donnés ?
Ils sont nombreux. Découvrir la légende, ses diverses versions, les tentatives d’explications rationnelles proposées par les auteurs antiques ; progresser dans l’exercice de la version ; développer son imagination, lors de travaux seuls, puis en groupe ; améliorer la mémorisation, acquérir davantage de confiance en soi en passant devant la caméra et développer sa capacité à prendre la parole avec aisance ; travailler la cohésion dans un projet impliquant les trois niveaux et enfin donner de la visibilité à l’option, au sein de l’établissement mais également dans les collèges du secteur.
dossier pédagogique Icare collège
Faber fit fabricando
Qu’ont eu à faire les élèves avant l’activité ?
En amont, les élèves ont travaillé, de façon traditionnelle, sur Icare. La séquence s’est intéressée aux différentes versions du mythe dans l’Antiquité (Ovide, Métamorphoses, Art d’aimer…) et aux explications rationnelles proposées notamment par Pausanias, Palaphaitos ou encore Diodore de Sicile. Puis, les latinistes ont étudié la façon avec laquelle les auteurs, peintres et cinéastes, au fil des siècles, s’étaient appropriés la légende. A partir d’un corpus présentant des œuvres variées, ils ont été amenés à dégager les principales problématiques que soulève ce mythe : la relation père-fils ou comment permettre à son enfant de voler de ses propres ailes sans danger, la réflexion sur la nature à ne pas transgresser, les questions que la légende soulève sur le plan de la science et du progrès (place de l’homme, principe de précaution…) et enfin la leçon donnée sur la mesure et la modération, avec le blâme de l’hybris. C’est dans ce cadre que les élèves ont lu des extraits de Baudelaire, de Goethe ; ils ont étudié les tableaux et dessins de Vien, Landon, Vinci, Brueghel, Solomko, Lachappelle… et visionné les bandes annonces ou des extraits des films I comme Icare et Oppenheimer. Ils en ont tiré une carte mentale avant de proposer leur propre version du mythe, dans un texte narratif répondant aux contraintes du concours de l’AFPEAH. Ils n’ont manqué ni d’idées ni d’imagination, et le personnage d’Icare comme tous les détails de la légende les ont véritablement passionnés ; de là est née l’idée de réaliser un film.
Qu’ont-eu à faire les élèves pendant l’activité ?
Le but était d’abord d’écrire un scénario reprenant les protagonistes du mythe, respectant les principales données de celui-ci, mais l’abordant avec humour et en plaçant l’intrigue à l’époque contemporaine, entre autres pour intéresser davantage encore aux collégiens à qui ce court-métrage était destiné. En effet, outre de permettre aux élèves de s’approprier la légende d’une autre manière que lors du travail d’écriture, l’idée était également de finir l’année par un projet ludique rassemblant tous les latinistes – projet qu’ils pourraient présenter à leurs camarades des collèges de l’Arrageois. L’écriture du scénario a été réalisée par les terminales, qui ont commencé à recenser les personnages qui allaient intervenir, avant de rédiger les différentes scènes. Les 1ères ont proposé une relecture ; les répétitions ont suivi de près les castings et le tournage a eu lieu dans un temps record, la fin d’année approchant. Les premières ont proposé un questionnaire sur le film à destination des collégiens – questionnaire testé et amélioré par les 2ndes. Une séance de projection en présence des parents et de professeurs de collèges a clos ce projet.
Quel a été le rôle du professeur pendant l’activité ?
Le professeur a rassemblé les travaux des élèves et sélectionner les meilleures idées pour le scénario. Il a aidé à la mise en scène et au tournage.
Les élèves ont-ils gardé une trace écrite ?
Les séances de cours ont été prises en notes dans leurs cahiers. Les élèves ont également conservé les brouillons des différentes étapes du projet (recherche d’idées, sélection des personnages, diverses moutures du scénario…).
Quelle implication des élèves ?
C’est précisément l’intérêt des élèves, terminales comme 1ères, pour le mythe, qui a fait naître l’idée de ne pas clore tout de suite la séquence, mais de proposer de la prolonger avec cette activité complémentaire. Chacun y a trouvé sa place ; les plus timides ont forcé leur naturel et les plus à l’aise ont pu développer leurs compétences à l’oral. L’exercice a ainsi profité à chacun, notamment dans le cadre de la préparation des oraux des épreuves anticipées de français ou des grands oraux.
On fait le bilan
Quel est le ressenti du professeur ?
Il a été intéressant de voir les élèves progresser, se dépasser et adopter une véritable démarche de création. Les apports notionnels comme en termes de compétences ont été très importants. Pour l’enseignant il a aussi été agréable de voir l’ensemble des latinistes de l’établissement travailler en synergie inter-niveaux. La fierté des élèves, de leurs parents, des anciens professeurs de collège… découvrant le film lors de la séance de projection reste un souvenir fort.
Les élèves ont la parole :
Quand le projet m’a été proposé, j’ai trouvé qu’il était ambitieux et que les terminales s’étaient vraiment investis dans l’écriture du scénario. J’ai été impressionnée mais surtout impatiente de découvrir le script et de le voir joué.
De notre côté, nous avons travaillé le mythe d’Icare de beaucoup de façons. Tout d’abord nous avons lu plusieurs versions du mythe pour trouver les points essentiels, puis comment est représenté Icare dans l’art, et enfin de nombreuses interprétations du mythe dans la peinture. Nous avons abordé ce que représente le mythe, ses différentes significations.
Ensuite, le scénario rédigé par les terminales nous a été distribué en cours, nous avons tous lu un rôle et Madame Langlet nous a attribués celui qui nous correspondait le mieux. Par la suite nous nous sommes réunis avec les terminales pour faire une répétition générale lors d’un mercredi après-midi. C’était un peu stressant de jouer devant eux mais pour finir tout s’est très bien passé, le projet devenait de plus en plus réel. On a amélioré encore et encore le scénario, ce qui a donné au moins 10 versions différentes ; quand on a eu la version finale on a appris par cœur nos rôles. Nous avons révisé de nombreuses fois en cours et à chaque fois c’étaient des moments très drôles où l’on s’investissait vraiment.
En visionnant le résultat, j’étais d’abord terrorisée à l’idée de découvrir mon passage ; mais quand celui-ci est passé j’ai pu apprécier le jeu d’acteur de mes camarades et repérer toutes les blagues que je n’avais pas remarquées. C’était très satisfaisant de voir le résultat de tout ce travail.
Le projet était super, très drôle et intéressant. C’était une excellente façon d’aborder la mythologie, je connais maintenant très bien le mythe d’Icare, des détails sur d’autres personnages mythologiques. Ce projet nous a permis de vraiment nous investir dans notre option.
Rosalie (Ariane)
Lorsque le projet m’a été présenté, j’ai tout de suite trouvé l’idée attirante. J’aime beaucoup les réécritures de mythes antiques donc transformer l’un de ces derniers en un film m’a évidemment intriguée.
Tout au long d’une séquence, nous avons travaillé le mythe d’Icare sous différentes formes, tout d’abord avec des sources antiques sur le mythe telles que Diodore de Sicile. Nous avons aussi étudié l’interprétation d’Ovide dans ses métamorphoses du mythe ainsi que les interprétations de certains de ses contemporains aussi différentes les unes des autres. Puis nous avons travaillé sur les différentes réécritures et interprétations que ce soit à travers la peinture, la sculpture ou la photographie. Nous avons aussi travaillé le mythe d’Icare dans le cadre d’un concours d’écriture organisé par l’AFPEAH portant sur une réécriture personnelle de ce mythe. Enfin, le point final fut évidemment la réalisation du projet l’affaire Icare. Lors de cette séquence, j’ai ainsi appris que certains auteurs comme Pausanias, ne croyaient pas à l’invention des ailes par Dédale et pensaient plutôt à une métaphore sur l’invention de la navigation à voile. Cette séquence fut aussi l’occasion de me rappeler que même un mythe antique peut interroger sur notre société actuelle et plus particulièrement l’usage de la science et ses dangers.
Ma classe aux prémices du projet était majoritairement chargée de la relecture du potentiel script ainsi que de fournir critiques et idées. Nous avons également ajouté des jeux de mots ! Puis au fur et à mesure les « auditions » ont commencée, chacun s’est vu confier un rôle, devait l’apprendre pour ainsi répéter en classe. Sont ensuite venues les répétitions avec tout le monde rassemblé ; nous jouions scène par scène, recommençant quand il y avait besoin et recevant quelques conseils afin de parfaire son personnage. Sans voir le temps passer le tournage est arrivé ; sur deux semaines le tout était bouclé. Finalement la dernière phase est arrivée : l’attente de la projection. Chacun se demandait comment cela allait rendre, s’il ne s’était pas gratté le nez pendant son rôle…
En visionnant le film j’ai tout d’abord ressenti de la fierté, la fierté de voir un projet dans lequel j’ai participé prendre vie. Je me suis dit que ce projet avait été une belle expérience et que j’avais hâte de voir quels beaux projets l’année suivante me réserverai.
Pauline (le juge)
Nous avons découvert le mythe à travers des textes, des films, des tableaux. Nous avons étudié des concepts basés sur ce dernier, par exemple ce qu’était l’hybris.
Pour le projet, tout a commencé par une lecture du texte écrit par les terminales ; au début, je pensais que cela allait être une sorte de pièce de théâtre à en voir les dialogues ; puis, lorsque j’ai compris le concept, je me suis dit que ça laissait présager un tournage prometteur. J’avais hâte de commencer. Nous avons relu les scénarios et modifié quand c’était nécessaire. Puis, nous avons lu des scènes à voix haute pour déterminer le personnage que l’on incarnerait le mieux. Par la suite, une répétition générale composée de toutes les classes concernées a été organisée : c’était drôle car c’était pour nous une sorte de bêtisier. Et enfin le tournage, avec les costumes, les accessoires, l’attente et l’ambiance dans les coulisses qui étaient joyeuses, nous révisions nos textes en coulisse une ultime fois avant de tourner.
Le visionnage a été pour nous une surprise car nous n’avions pas vu à quoi ressemblaient nos scènes et avons, par conséquent, tout découvert en même temps que les autres. Franchement, le montage, les angles de caméra étaient très bien réalisés, et le jeu d’acteur fut au rendez-vous.
J’ai personnellement beaucoup aimé ce projet et le referais sans hésiter si j’avais à le refaire, et pour cause : nous avons pu faire connaissance avec d’autres latinistes et nous imprégner d’un mythe tout en nous amusant ! c’était génial et ça restera inoubliable, merci pour cette expérience !
Lou-Ann (le garde moins sérieux)
J’étais sceptique au départ, mais je dois dire que le résultat final est incroyable. Ensuite le déroulé du tournage était un peu compliqué pour moi car je déteste apprendre par cœur, mais malgré le stress le jour du tournage de ma scène, je pense m’être relativement bien débrouillé. Finalement, quand j’ai vu le résultat, j’ai adoré : le film était génial et très marrant. En outre, faire le film m’a appris à être un peu plus à l’aise à l’oral et va me rendre l’apprentissage du par cœur un peu moins pénible à l’avenir !
Noa (Hermès)
Lorsque le projet nous a été proposé, j’ai été curieuse de savoir si nous parviendrions à le mener jusqu’au bout puisqu’il paraissait très ambitieux ; cependant j’étais très contente d’y participé car je n’avais jamais fait cela auparavant.
Nous avons découvert et approfondi le mythe en travaillant sur les Métamorphoses et l’Ars amatoria d’Ovide, mais aussi avec d’autres sources telles que L’Eneide de Virgile ou encore Diodore de Sicile. Nous avons également pu étudier ce mythe à travers la peinture comme avec Brueghel ou encore Vien. Et nous avons pu développer notre imagination en reprenant ce mythe dans le cadre du prix de l’AFPEAH 2025. Tout cela m’a donc permis de consolider mes connaissances sur ce mythe que je connaissais peu en fin de compte.
Puis, nous avons découvert le scénario écrit par les terminales et j’ai été impressionnée par leur travail puisque les répliques étaient bien trouvées, il y avait un grand respect du mythe mais aussi une pointe d’humour. Ensuite, nous avons procédé à une première lecture à haute voix pour nous imprégner mieux encore du scénario et pour déterminer nos rôles ; une fois ceux-ci attribués, nous avons tous eu une première répétition pour nous assurer que les rôles étaient sus et aussi pour que tous les acteurs fassent connaissance, étant donné que nous étions trois niveaux confondus. Puis, tout s’est enchaîné, nous avons fixé une date de tournage pour chaque scène.
Quand j’ai vu le film, j’ai été agréablement surprise de voir que le rendu s’apparentait vraiment à un court-métrage fait par des comédiens puisque certains élèves jouaient extrêmement bien leur personnage, ce qui rendait la chose vraie. De plus j’étais extrêmement fière de nous puisque nous avons réussi à produire un très bon travail en un temps particulièrement court.
Je trouve que ce projet est une véritable réussite. J’ai pris plaisir à y prendre part et encore plus à le visionner. J’ai trouvé que ce projet était une bonne méthode d’apprentissage puisque maintenant je connais ce mythe sur le bout des doigts mais il a également permis de rendre le latin vivant puisque nous avons remis un vieux mythe au goût du jour !
Tania Henique (Hébé)
Quelle “évaluation” pour savoir si les élèves ont compris ?
Un devoir de fin de séquence a été proposé comme évaluation pour l’ensemble des élèves impliqués.
Y a-t-il eu des difficultés, des surprises ?
La difficulté principale tenait au calendrier : comment écrire un scénario, apprendre un rôle et tourner un film, sur les heures de cours, en seulement quelques semaines ? La pression était palpable mais les élèves se sont dépassés et ont été d’une efficacité redoutable !
Pensez-vous mener cette activité à nouveau ? Changeriez-vous quelque chose ?
Pourquoi pas ? En fonction du mythe choisi par l’AFPEAH et de l’intérêt que les élèves présenteront envers celui-ci, c’est tout à fait envisageable.
Pour aller plus loin :
https://afpeah.fr/index.php/category/prix-litteraire/
Si vous souhaitez poser des questions à Agathe Langlet n’hésitez pas à nous contacter, nous les lui ferons suivre.
Si vous souhaitez vous aussi raconter un de vos cours, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.