ART ET TON CHAR #3 Poséidon : d’Artémision à Göteborg

Les oeuvres

Après avoir fait sensation à Paris, le désormais célèbre duo Pichi et Avo s’est illustré en Suède à Göteborg à travers une grande fresque sur laquelle nous pouvons reconnaître la partie supérieure du  Dieu du cap Artémision.

https://www.pichiavo.com/zeus-poseidon-in-gothenburg/

Les Espagnols PichiAvo sont à l’origine des graffeurs de rue. Leurs projets communs, qui sont visibles dans le monde entier, mêlent pop culture, graf et statuaire antique. Ils ont choisi de placer l’antiquité au coeur de nos villes. À l’exemple de celle de la fresque de Göteborg, de gigantesques figures de la statuaire grecque ou romaine sont représentées avec beaucoup de réalisme et de classicisme contrastant ainsi avec le décor qui utilise tous les codes du graf old school: couleurs vives, saturation de l’espace, lettrage bubble ou wildstyle, tags, etc.

Le bronze dont ils s’inspirent ici est tout à fait exceptionnel. En effet, il mesure plus de deux mètres et son état de conservation est remarquable. Cette statue daterait de 460 avant JC, elle a été découverte au XXe siècle au milieu de la cargaison d’un navire ayant fait naufrage au Ie siècle avant JC au large du cap Artémision. Il demeure toujours une incertitude quant au dieu représenté : Zeus ou Poséidon ?

Dieu du cap Artémision, Bronze, 209 cm, Musée national archéologique d’Athènes – Image Wikicommons 

En 2014, le bronze d’Artémision avait déjà été réinterprété par l’artiste contemporain chinois Xu Zhen. C’est la côte belge (ville de De Haan) qui a accueilli cette oeuvre spectaculaire. Sur les bras et la tête de ce “Poséidon” sont posés des volatiles vus comme des “canards de Pékin” ; l’oeuvre se fait ainsi symbole de la circulation artistique entre l’Europe et la Chine. D’ailleurs, l’ensemble des oeuvres de The Eternity Series  de Xu Zhen interrogent le spectateur sur les échanges artistiques entre l’Asie et l’Europe et à travers les siècles.

XU ZHEN® 徐震®  Eternity-Poseidon,  2014 – Bronze, marble, stainless steel – 284(H)*220(W)*90cm | Base 75*135*90cm

Ce dieu du cap Artémision lui-même retrouvé dans un bateau et réinterprété vingt-cinq siècles plus tard par des artistes chinois et espagnols est un parfait symbole de la circulation artistique sans cesse renouvelée et prenant sa source dans la Méditerranée antique.

Une proposition de texte antique en lien avec les oeuvres

Pour accompagner ces oeuvres voici la retranscription d’une stèle gravée au IIIe siècle, retrouvée à Trézène, au cap Artémision. Avant de prendre la mer les équipages font une offrande à plusieurs dieux et parmi eux : Poseidon secourable.

Inscription :

      ἐπειδὰν δὲ νεμη-
36 θ̣ῶσ̣ιν ἅπα[σ]αι αἱ τάξεις καὶ ἐπικληρωθωσ῀ι ταῖς τριή-
     ρεσ̣ι̣, πλ̣ηροῦν ἁ̣[π]άσας̣ τὰς διακοσίας ναῦς τὴμ βουλὴν 
     καὶ τ̣[ο]ὺ̣σ̣τρατηγ̣οὺ[ς θύ]σαντας ἀρεστήριον τῶι Διὶ τῶι 
     Παγ̣κ̣ρ̣ατ̣ε̣ῖ κ[αὶ] τῆι Ἀθηνᾶι καὶ τῆι Νίκηι καὶ τῶι Ποσει-
40 δῶνι τῶι Ἀσφα[λε]ίωι· vv ἐπειδὰν δὲ πεπληρωμέναι ὦσιν 
    αἱ νῆες̣, τα[ῖ]ς μὲν ἑκατὸν αὐτῶν βοηθεῖν ἐπὶ τὸ Ἀρτεμίσ-
    [ι]ο̣ν τ̣ὸ̣ Εὐβοϊκὸν, ταῖς δὲ ἑκατὸν αὐτῶν περὶ τὴν Σαλαμ-
    ῖν̣α̣ κ̣αὶ τὴν ἄλλην Ἀττικὴν ναυλοχεῖν καὶ φυλάττειν 
44 τ̣ὴ̣ν̣ χώρ̣α̣ν·

Trézène, stèle gravée au 3ème s. av. J.-C., d’après un texte composé dans le dernier tiers du 4ème
M.H. Jameson, Hesperia 29, 1960, 198-223; 31, 1962, 310-315.
Bull.Épigr. 1961, 320.
SEG 18, 153.
Traduction :

une fois que tous les équipages auront été répartis et attribués aux navires par tirage au sort, le Conseil et les stratèges rempliront les deux cents navires après avoir offert un sacrifice propitiatoire à Zeus Tout-puissant, à Athéna, à Nikè et à Poséidon Secourable. Lorsque les navires seront prêts, cent d’entre eux iront en renfort au cap Artémision, les cent autres iront croiser au large de Salamine et de l’Attique pour protéger le territoire.

J.-M. Bertrand, Inscriptions historiques grecques ; Paris, Belles Lettres, 1992; no 17, pp. 46-48 (trad. fr.).

Pour aller plus loin…

Continuons à nous intéresser à la circulation des oeuvres antiques dans l’art contemporain grâce à cette séance pédagogique proposée par Isabelle Fraïsse. Nous y retrouvons bien entendu Pichi et Avo, mais I. Fraïsse nous invite également à la découverte des oeuvres de Fabio Viale et Léo Caillard.

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A propos Victorine Ledet

Je suis professeur de lettres classiques en collège dans l'académie de Toulouse, j'ai également une formation en histoire de l'art.

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