Entretien avec David Alaux : Sur les traces de Jason, “Pattie ou la colère de Poséidon”

 

David Alaux, réalisateur de Pattie et la colère de Poséidon, qui sortira en salle officiellement le 25 janvier, fait l’honneur d’accorder à l’association Arrête ton char ! une interview exclusive. Ce film d’animation fait en France va ravir les amoureux de culture antique et d’aventure.

 

ATC : Bonjour David Alaux, comment vous est venue l’idée de cette toile de fond, le mythe de la Toison d’or ? Quel rapport tissez-vous avec l’Antiquité et ce mythe en particulier ?

David Alaux : Je voulais avant tout planter le décor de l’aventure dans l’univers mythologique de la Grèce Antique tout en restant libre de créer une toute nouvelle histoire. J’ai choisi la ville de Jason, Iolcos, mais en plaçant notre aventure 80 ans après sa fameuse quête, ce qui me permettait d’imaginer de nouvelles aventures originales tout en restant attaché à une épopée connue de la mythologie. De plus la présence sur place de la Toison d’or elle-même m’offrait la possibilité de l’utiliser comme artefact “Magique et bienfaisant”, qui par ses pouvoirs donnait du sens à une coopération entre les animaux.

Pattie et la Colère de Poséidon © TAT productions, Apollo Films Distribution, France 3 Cinéma / 2023

 

ATC : Iolcos, dont vous avez fait une ville haute en couleurs, est le point d’ancrage en Grèce antique, tant pour le périple des Argonautes que pour Pattie. Dans quelle mesure avez-vous eu envie de représenter un décor antique réaliste ? 

David Alaux : Je souhaitais que le décor respecte, au moins dans les grandes lignes, les dernières études sur l’époque antique, quitter l’image “blanche/beige ou monochrome” et donner beaucoup de couleurs aux maisons, aux temples, et à certaines statues, qui étaient peintes à l’époque et ressemblaient du coup à des sortes de “santons géants”, on peut en particulier en voir devant la bibliothèque où vivent Pattie et Sam dans le film.

 

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ATC : La toison d’or est représentée par un bélier d’or. Le mot “toison” sera sûrement à expliciter aux plus jeunes, y a-t-il d’autres raisons, graphiques peut-être ?

David Alaux : Dans la mythologie grecque, la toison d’or est la peau d’un bélier volant du nom de Chrysomallos, je voulais revenir à cette image de bélier volant et “magique” qui est beaucoup plus majestueuse, vivante, et évocatrice de pouvoir bienfaisant que la représentation assez glauque d’une peau d’animal mort qui aurait, de nos jours, du mal à faire rêver qui que ce soit. 

 

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ATC : Les dieux de l’Olympe, sont plutôt des observateurs dans le film, distraits, un peu moqueurs d’ailleurs : c’est un jeu pour eux ! Vouliez-vous équilibrer la tension dramatique ? Ici Poséidon et Zeus se disputent la tutelle de Iolcos. Pourquoi avoir choisi ce point de départ pour nouer l’action ?

David Alaux : Les conflits entre les dieux sont omniprésents dans la mythologie grecque et il était naturel d’aller à fond sur ce terrain : j’ai poussé le curseur assez loin en représentant les dieux comme des grands ados attardés devant leur console de jeux, sauf qu’ici le jeu c’est notre monde ! Je me suis aussi référé à l’histoire de la vie de Jason et de la création de l’Argo, son bateau, pour définir quels dieux seraient “du côté des héros”. Au début de sa quête (la “vraie”, celle de la mythologie) Jason était soutenu par Héra et Athéna pour lui enlever une sandale et apparaître à Pélias comme son rival et ensuite pour la fabrication du navire Argo. J’ai donc gardé ces deux Déesses comme des soutiens dans le film et je trouvais amusant de présenter Héra comme celle qui finalement porte la culotte sur l’Olympe face à Zeus. En ce qui concerne le duel Zeus / Poséidon, c’est plutôt la nature de la menace qui m’a guidé vers un ultimatum venant de Poséidon, dès le début de l’écriture : entre la cité portuaire, le voyage en mer etc… tout me guidait vers une menace venant de la mer, donc de Poséidon. 

 

ATC : Sans dévoiler les autres gags, et autres décalages, l’humour repose beaucoup sur les anachronismes. Comment réussir à les doser ?

David Alaux : Il faut que ce soit drôle sans faire sortir de l’histoire, par exemple le traitement de la vasque des dieux en mode “pinch/zoom” comme sur une tablette tactile donne un côté à priori anachronique mais, en même temps, ce sont des dieux et tout leur est possible, comme disait Arthur C. Clarke : “Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie” donc quelque part, ça reste crédible. Pour le reste j’essaie de m’appuyer sur des bases mythologiques antiques en les exagérant juste ce qu’il faut. Finalement, quand on pense à Talos le géant de bronze de la mythologie, on pourrait très bien y voir les prémisses d’un robot géant, les objets fantastiques forgés par les cyclopes de la mythologie grecque mixés avec des découvertes intrigantes comme la machine d’Anticythère et hop, on arrive vite à ce qu’on découvre dans le film.

 

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ATC : Avec “Les As de la jungle”, les animaux étaient déjà mis à l’honneur. Les enfants et les plus grands vont certainement s’attacher très fort au personnage de Pattie qui risque sa vie à chaque instant aux côtés d’un Jason, peut-on le dire, sénile. Comment les animaux sont-ils devenus les vrais héros de ce nouveau périple ?

David Alaux : Finalement on se rend compte assez vite que les humains ne servent pas à grand-chose ici, et c’est ça qui pousse Pattie et lui permet de prendre les rênes de l’aventure.

 

ATC : Vous attachez-vous à la tradition des fables ? Quel message aimeriez-vous que l’on retienne de cette aventure ?

David Alaux : Il y a plusieurs histoires dans l’histoire, il y a la quête du trident et la quête initiatique de Pattie bien sûr, mais aussi l’histoire de famille avec la remise en question de Sam et sa recherche du pardon. Chaque personnage du film a sa petite histoire qui se résout à la fin de l’aventure, y compris Tony, Luigi, Chickos ou les enfants John et Terry. Mais bien entendu, ce que le film essaie avant tout de faire passer c’est l’idée que, quoi qu’on puisse vous dire, il ne faut rien lâcher de vos aspirations profondes. 

 

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ATC : Deux références marquantes dans tous les périples antiques, le navire – vous rendez hommage à l’Argo -, et les monstres. Avez-vous un coup de cœur pour un de ces monstres qu’affronte Pattie ? 

David Alaux : Je les aime tous parce qu’ils ont été créés en contrebalançant systématiquement leur côté monstrueux par quelque chose de drôle ou de décalé, ce qui leur confère un petit charme à chacun. Le Kraken bébé, l’hydre aux cris de chèvres, le Griffon tenant plus du basset et du canard colvert que du lion ou de l’aigle… l’idée c’est toujours d’appuyer sur le suspense et l’action plutôt que sur la peur. 

 

ATC : Notre souris que l’on pourrait qualifier de polytropos, “aux mille tours”, est la digne héritière d’Ulysse ! Ce qualificatif vous convient-il ?

David Alaux : Tout à fait, elle a plus d’un tour dans son sac ! 

ATC : Pattie est aussi un “rat de bibliothèque”, le rapport à la connaissance et à l’héritage culturel, notamment antique, a l’air très présent dans le film. Aimeriez-vous que les jeunes aillent plus en amont dans leur découverte de l’Antiquité en quittant la salle de cinéma ?  

David Alaux : Oui ce serait fabuleux que le jeune public s’intéresse à l’Antiquité après avoir vu le film. A la base, le prénom de Pattie est un hommage à Hypatie d’Alexandrie, la première mathématicienne et philosophe connue. Elle aussi avait plus d’un tour dans son sac (Heureusement, notre Pattie n’a pas le même destin tragique). Pattie est une héroïne qui compense largement sa petite taille par un esprit incroyablement vif et une grande culture dans tous les domaines.  

 

ATC : D’ailleurs, est-ce un film uniquement pour les enfants ? Quel(s) public(s) visez-vous avec “Pattie et le colère de Poséidon” ?

David Alaux : Un public familial au sens large, nous avons tout fait pour que les parents et les grands-parents se retrouvent aussi dans les références saupoudrées tout au long du film ! 

 

ATC : Pattie est animée depuis toute petite par l’aventure et le voyage. Sans trop dévoiler la fin du film, pourra-t-on la retrouver dans de nouvelles aventures ? 

David Alaux : Qui sait ? 

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Article annexe à consulter ici :

Arrête Ton Char est partenaire du site Zérodeconduite (www.zerodeconduite.net) pour la sortie du film “Pattie et la colère de Poséidon” de David ALAUX, le 25 janvier 2023 au cinéma.
Ce film d’animation, pour les enfants et les plus grands, revisite, sous forme parodique, le mythe antique de Jason et les argonautes. Il constitue une porte d’entrée drôle et trépidante dans la culture antique à destination des élèves de CM1-CM2 et de Sixième.
Le site Zérodeconduite propose un dossier d’accompagnement pédagogique riche d’une vingtaine de pages et co-organise un concours avec Arrête Ton Char à destination des élèves à l’école primaire et au collège en classe de 6e et 5e qui invite les élèves à raconter et dessiner leur rencontre avec un monstre antique.
Vous avez jusqu’au 31 janvier minuit 10 février minuit (prolongation) pour participer. Vous trouverez les modalités de participation au concours ainsi qu’un aperçu des prix à gagner ci-dessous. Zérodecontuite et Arrête Ton Char procèderont ensemble à la sélection des gagnants.

 

Images tirées de Pattie et la Colère de Poséidon © TAT productions, Apollo Films Distribution, France 3 Cinéma / 2023

 

 Julie Wojciechowski

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes, attachée au rayonnement et à la promotion des cultures antiques dès l'école primaire. Responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

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