Italica (Andalousie)

Italica < Andalousie < ESPAGNE

site web officiel : http://www.andalucia.org/es/turismo-cultural/visitas/sevilla/monumentos/conjunto-arqueologico-de-italica/

Texte : Jean-Claude Daumas pour “Arrête ton char !”

 

L’ancienne cité romaine d’Italica, qui correspond aujourd’hui à la commune de Santiponce, s’élève à une dizaine de km au nord-ouest de Séville.

I. HISTORIQUE

Fondation en 206 avant J.-C. dans des collines (Cerro de San Antonio) de la rive droite du Baetis (Guadalquivir) par Scipion l’Africain (Publius Cornelius Scipio) : c’est la plus ancienne cité romaine d’Hispanie et même du monde romain hors de l’Italie péninsulaire.

Fondée au lendemain de la victoire décisive de Scipion sur Magon à Ilipa (à proximité de Séville),

Italica devait abriter les blessés et surtout caser les vétérans des guerres contre les Carthaginois d’Hispanie après avoir reçu leur lot de terres dans la vallée du Baetis. Elle devient municipe de droit romain avec droit de frapper monnaie à l’époque de César ou d’Auguste.

Italica obtient le statut de colonie (Colonia Aelia Augusta Italica) sous Hadrien – malgré les réticences de ce dernier qui a fait bâtir une somptueuse nouvelle ville (Nova urbs) contre la première (Vetus urbs), dédiée à Trajan, son père divinisé après sa mort. C’est l’apogée d’Italica, à l’époque de « ses » empereurs : en effet, le grand titre de gloire d’Italica est d’avoir vu naître en son sein les célèbres empereurs TRAJAN (98-117) et HADRIEN (117-138), issus de familles italiennes installées à Italica : les Ulpii et les Aelii.

Le déclin s’amorce dès les III°/IV° siècles même s’il y a encore un évêque en 693 ; détruite lors de la conquête de l’Hispanie par les musulmans, Italica devient Santiponce, simple village en contrebas. Au XVII° siècle, une des nombreuses crues du Guadalquivir chasse ses habitants des bords du fleuve ; ils s’installent alors sur la colline, à l’emplacement des ruines de la cité romaine qui leur fournit sur place et gratuitement de magnifiques matériaux comme des colonnes de jaspe débitées en petits morceaux pour daller un monastère … Auparavant, ces mêmes matériaux avaient été utilisés pour des mosquées, des palais.

Aujoud’hui : Vetus urbs se trouve sous le village de Santiponce et Nova urbs correspond à la « zone archéologique d’Italica » ; l’ensemble forme le plus important patrimoine archéologique romain de l’Andalousie pour une seule cité.

 

II. L’URBANISME

 

Enceinte : construction dans la première moitié du premier siècle avant J.-C., réfections augustéennes, agrandissement sous Hadrien pour englober Nova urbs puis restauration en 583. Renforcée par des tours tous les 35 m, ouverte de portes encadrées de 2 tours rectangulaires, épaisse de 1, 70 m, elle dépasse 3 km de longueur et enserre un espace de 52 hectares avec 3 collines. Cependant l’amphithéâtre et même le théâtre sont à l’extérieur.

Voirie : découpage traditionnel en insulae délimitées par des rues se coupant à angle droit. La chaussée du Cardo Maximus de Nova urbs est large de 8 m, flanquée de trottoirs de 4m de largeur, couverts (restes de piliers) pour protéger les passants du soleil et de la pluie. C’est le modèle oriental (Palmyre, Ephèse, Antioche), cas unique en Hispanie. Au centre de la rue : un égout de 0,95 m de largeur et 1,65 m de profondeur (0,55 et 1,50 m sous les rues secondaires).

Aqueducs : 2 successifs à tracé en partie commun.

Le premier (début 1er siècle après J.-C.) desservait Vetus urbs ; une section de 400 m de specus enterré est connue : 1,70 à 1,80 m de hauteur, 80 à 90 cm de largeur.

Le second (début 2ème siècle sous Hadrien) desservait Nova urbs, ses luxueuses maisons, ses thermes, son amphithéâtre. Sources du secteur de Tejada, specus souterrain en béton revêtu de brique, franchissement du Guadiamar sur un pont à arcades, utilisation du premier aqueduc jusque dans les parages d’Italica où il change de direction pour gagner Nova urbs. Répartition de l’eau en 3 tiers : thermes publics, fontaines publiques, maisons privées.

Thermes : petits (1 500 m2) dans Vetus urbs ; immenses (32 000 m2 = toute une insula) dans Nova urbs (incomplètement fouillés ; inachevés ?).

 

III. LES 3 PRINCIPAUX MONUMENTS

 

L’amphithéâtre : construit sous Hadrien en béton recouvert de briques, de pierres de taille et, dans les secteurs de prestige comme l’entrée monumentale, de marbre. Après l’époque romaine, il devint la principale carrière de matériaux à piller (tous les marbres ont disparu).

Il est colossal par ses dimensions qui le classent au 3ème rang du monde romain : 157 m x 130 m ; 20 000 m2. Son grand axe n’est dépassé que par ceux du Colisée à Rome (188 m) et de Capoue (167 m).

Il a été implanté sur un étroit vallon ce qui permet d’économiser latéralement un étage d’arcades : sa façade dans l’axe de la dépression, présente deux niveaux à colonnades d’ordres différents adossées aux piliers soutenant les voûtes internes.

Sa cavea offrait au moins 25 000 places sur 3 niveaux de gradins (le plus haut a disparu, les 2 autres étant plus ou moins bien conservés), ce qui est surdimensionné pour une population maximale de 8 à 10 000 habitants : Summa cavea (inconnue) généralement pour femmes et enfants ; Media cavea de 12 gradins et 14 portes accueillant l’essentiel des spectateurs ; Ima cavea de 6 gradins et 8 portes pour personnalités. Elle est séparée de l’arène par un podium à corniche de 2,30 m surmonté d’une balustrade (hauteur totale 3,50 m), le tout recouvert de plaques de marbre : il ne reste que les pivots d’arrimage des plaques.

Arène (71 x 48 m) à fosse centrale où 8 piliers en briques soutenaient une couverture d’épaisses planches de bois = espace pour les machineries et les cages des fauves, relié à l’arène par 2 rampes. Cet amphithéâtre était donc équipé pour, outre les combats de gladiateurs, des venationes (spectacle de chasse) et même des naumachies (combats navals en modèles réduits) grâce à des citernes. Des salles étaient réservées pour le culte de Némésis, patronne des gladiateurs.

Le théâtre : adossé à la colline San Antonio et au rempart (à l’extérieur), ce serait la construction civile la plus ancienne s’il est vraiment augustéen. Restauré plusieurs fois avec ajout d’un portique au-delà de la scaenae (il enserre le temple d’Isis et deviendra plus tard un forum), il sera abandonné au IV° ou V° siècle et ses marbres pillés. Enseveli par le village de Santiponce, il n’a été redécouvert qu’en 1937, fouillé à partir de 1970 et restauré en 1988.

Cavea de 78 m de diamètre contenant 3 000 spectateurs sur 31 gradins (Ima 15, Media 5, Summa 11). Orchestra de 26 m de diamètre, entouré de 3 rangés de larges gradins aux sièges amovibles pour personnalités. Frons scaenae long de 49 m en 4 corps creusés d’une niche à statue rectangulaire et séparés par 3 portes ; décor à base de 2 ordres de colonnes en marbre blanc et veiné.

Temple de Trajan : construit par Hadrien, à la gloire de son père Trajan, au centre d’une place rectangulaire entourée de murs, à laquelle on accède par un des petits côtés à l’aide de 2 escaliers en vis-à-vis. Les 3 autres murs comportent 3 exèdres chacun : rectangulaire au centre, semi-circulaires de part et d’autre. Entouré d’un portique, le temple s’élève sur un podium avec escalier d’accès sur toute la largeur de sa façade à 2 rangées serrées de 8 colonnes (= octostyle). 12 colonnes sur les 2 longs côtés et 8 à l’arrière (= périptère) et cella unique « à la romaine » qui couvre 2/3 de l’espace interne. Dans l’axe de l’entrée, un grand piédestal à statue ; de plus petits en 2 rangées face à chacun des longs côtés.

 

IV. LES MAISONS

 

C’est un des joyaux d’Italica : dans la Nova urbs, une série de luxueuses domus décorées de splendides mosaïques des II° et III° siècles.

Maison de l’Exèdre : 4 000 m2 ; 7 tabernae encadrent l’entrée ; une palestre flanquée d’un cryptoportique et terminée par un exèdre s’étend sur toute la longueur du bâtiment. Le péristyle central rectangulaire à 16 colonnes cruciformes, entoure une fontaine à grandes jarres incluses dans la maçonnerie pour l’alléger. Un bassin au centre d’une petite cour au fond de l’édifice et une mosaïque à décor de 15 tableaux avec motifs circulaires.

Maison de Neptune : immense demeure de 6 000 m2 qui occupe toute l’insula avec ses thermes décorés de mosaïques en noir et blanc montrant toutes sortes d’animaux aquatiques. Dans le frigidarium : crocodiles, hippopotame, ibis et des pygmées sous palmiers = scène nilotique très prisée à cette époque d’égyptomanie ; au centre et en couleur, Neptune et son trident sur un char tiré par 2 hippocampes.

Maison des Oiseaux : la plus romaine de toutes les maisons fouillées ; son plan est indiqué par des murets de 60 cm de haut. Péristyle central à citerne voûtée dans le sous-sol accessible par 2 puits. Au fond de la demeure, triclinium encadré d’une piscine et d’une fontaine d’agrément. De nombreuses mosaïques jouxtent la piscine : magnifique tête de femme à élégante coiffure végétale, le cou entouré d’un serpent ; tête de Méduse à chevelure de serpents ; d’autres à motifs uniquement géométriques. Celle qui a donné son nom à la domus voisine le péristyle : un oiseau central entouré de 35 petits panneaux avec chacun un oiseau d’espèce différente.

Maison du Patio Rodio : (= péristyle rhodien).

Maison d’Hylas (partiellement fouillée car enfouie à moitié sous le cimetière de Santiponce) : péristyle avec fontaine encadré par un triclinium à mosaïque des 4 saisons et un grand triclinium flanqué de 2 cours. Principale mosaïque (éponyme) : l’enlèvement d’Hylas par des nymphes séduites par sa beauté en présence d’Hercule lors de l’expédition des Argonautes (mosaïque au musée de Séville).

Maison du planétarium : four à pain reconstruit et surtout mosaïque des 7 jours de la semaine : hexagone central avec Vénus (vendredi) entouré de 6 hexagones avec Saturne (samedi), Soleil (dimanche), Lune (lundi), Mars (mardi), Mercure (mercredi) et Jupiter (jeudi).

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à visiter :

Le musée archéologique de Séville conserve une grande quantité de pièces provenant d’Italica, en particulier de multiples statues, parfaits exemple du réalisme romain, dont celle du torse monumental de Trajan.

à lire :

Un article sur la cité d’Italica : Italica (!!! fichier lourd : 2,5 Mo)

A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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