Prat’hic #17 : L’apprentissage de la morphologie verbale et nominale à travers les exemples-types

Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes.

Dans l’Académie de Rouen, Nicolas Lakshmanan s’appuie sur des exemples-types pour donner du sens au moment de l’apprentissage des leçons de langue latine. Quel est l’intérêt de cette pratique ? Quelle progressivité est choisie ? Est-ce la seule entrée dans le texte latin ? Il nous explique tout !

 

En Bref

Bonjour, pouvez-vous nous présenter en quelques mots le travail sur les exemples-types ?

En fait il s’agit de quelque chose de très simple. Aussi souvent que possible, les notions grammaticales sont associées avec une phrase ou une expression très courte qui l’illustre. Ainsi, pour apprendre que l’accusatif marque l’objet de l’action exprimée par le verbe, on apprend l’exemple-type “Amō patrem

 

Avec quelle classe la menez-vous ?

Je fais cela en seconde, avec des latinistes, des hellénistes débutants ou faux-débutants. Quelques collègues utilisent mon manuel avec des débutants au collège.

 

Aux origines du projet

Quelle est la genèse de ce projet ?

C’est ainsi que j’ai appris à faire du thème latin à l’université, sous la direction de Catherine Baroin. C’est d’autre part une pédagogie qui s’est élaborée peu à peu, en particulier au cours du XXe siècle en France, de sorte qu’une liste officielle d’exemples-types a été régulièrement publiée entre les années 1950 et 1970. J’essaie en principe de me tenir à ces exemples-types officiels, qu’on trouve dans la plupart des grammaires de référence, comme les Précis et Abrégé de Grammaire Latine, de Morisset, Gason, Thomas, Baudiffier.

J’ai proposé aussi une liste d’exemples-types de base pour le grec ancien, pour le sens des cas.

 

Quels objectifs vous étiez vous donnés ?

L’essentiel, c’est que les notions grammaticales soient véritablement comprises, c’est-à-dire intégrées intuitivement et à disposition pour être utilisées pour lire et écrire du latin. Il faut qu’ils connaissent par cœur l’exemple-type en latin, sa signification en français, et l’explicitation de la notion qu’il illustre, de façon à être en mesure de les utiliser pour comprendre, traduire, s’exprimer en latin. Il faut noter qu’en réalité c’est aussi un moyen d’apprendre le vocabulaire et la morphologie.

Voici un aperçu : exemples-types

Faber fit fabricando

Qu’ont à faire les élèves avant l’activité ?  

Souvent, je les invite à préparer “l’enquête” qui permet d’introduire la leçon à partir d’un petit texte “authentique”, ou quasi authentique.

 

Qu’ont-eu à faire les élèves pendant l’activité ?

Un cours dialogué, pour lequel on peut suivre, ou ne pas le suivre, un script dans le manuel. On peut inviter les élèves à noter quelques-unes des réponses. Ensuite, on apprend ensemble le ou les exemples-types. Puis, on fait des exercices oraux de traduction, puis écrits.

D’abord, il s’agit de phrases fabriquées ad hoc. Elles ne comportent pas de difficultés grammaticales qui n’ont pas été vues, et le vocabulaire est soigneusement sélectionné pour revenir régulièrement. Les exemples-types servent par exemple quand, après avoir vu, pour le nominatif et l’accusatif, “Amō patrem” et “Amat Elissa”, il faut composer des phrases avec un sujet, un verbe, un objet. Peu à peu, on apprend à se dire, pour traduire “Les Furies préparent un châtiment cruel”, que les Furies font l’action de préparer, comme Élissa fait l’action d’aimer dans “Amat Elissa” : donc “Furies” doit être au nominatif. On apprend aussi à se dire que le châtiment est l’objet de leur action de préparation, de leur préparation, comme mon père est l’objet de mon amour dans “Amō patrem” : le nom pœna doit donc être à l’accusatif. 

En tout cas, il est bon de bien prendre le temps de faire suffisamment d’exercices à l’oral avant de passer à l’écrit, afin d’instaurer les bonnes habitudes : à l’oral on peut immédiatement corriger ; à l’écrit, les corrections, surtout quand elles sont trop nombreuses arrivent trop tard. D’une part, cela enkyste les mauvaises habitudes ; d’autre part, c’est décourageant.

 

Quel a été le rôle du professeur pendant l’activité ?

Rien d’extraordinaire : ce que fait un professeur pendant un un cours dialogué, ou quand il propose aux élèves une forme ou une autre de travaux dirigés.

 

Quelle trace écrite les élèves conservent-ils ? 

Ce qui importe, ce n’est pas la trace écrite, c’est ce qui reste dans leur mémoire et dans leur intelligence. Il peut cependant être bon de recopier l’exemple-type avec son explicitation pour l’apprendre : Quī scrīpsit bis lēgit.

 

Comment l’activité s’intègre-t-elle dans la séquence ?

C’est le cœur de la séquence ! Cependant, l’objectif linguistique est articulé avec la découverte de la littérature et de la culture à travers deux autres activités : les legenda et les chrestomathies, où il permet de lire et traduire des extraits de textes authentiques ou quasi-authentiques.

 

On fait le bilan

Qu’en pense le professeur ? les élèves ?

J’ai le sentiment que davantage d’élèves commencent à comprendre le sens des cas. Les élèves qui veulent bien travailler commencent à être capables de traduire véritablement, alors que jusque-là, la moindre petite phrase était toujours traduite au petit bonheur la chance, même par les élèves sérieux.

Je me réjouis quand j’entends :

Ah oui, c’est comme dans “Amō patrem”, c’est celui qui subit l’action.

 

Quelle “évaluation” / retour pour savoir si les élèves ont compris ?

Les nombreux exercices faits en classe, et le contrôle fait à la fin du chapitre.

 

Y-a-t-il des difficultés, des surprises ?

Les élèves qui croient être bons en latin, même s’ils ne savent pas traduire, même s’ils ne sont pas capables de comprendre des petites phrases faciles, parce qu’ils connaissent du vocabulaire, leurs déclinaisons, ont du mal à s’astreindre à apprendre précisément. J’ai l’habitude dans les contrôles écrits, de poser des questions de cours avant les exercices de traduction. Je pense maintenant que c’est une erreur, et qu’il faut s’en tenir à la traduction. C’est difficile : mais il faut absolument obliger les élèves à affronter cette difficulté, sans quoi, ils resteront perpétuellement à la porte de la maison “latin”.

D’un autre côté, des élèves en difficulté dans les autres matières se sont révélés en latin, et y ont conquis une véritable rigueur efficace. Mais ça, c’est quelque chose que de nombreux collègues de lettres classiques vivent très régulièrement, quelles que soient leurs méthodes !

 

Changeriez-vous quelque chose ?

J’ai ajouté récemment dans mon manuel* une nouvelle sorte d’exemples-types, pour apprendre la morphologie, mais je ne les ai pas encore pratiqués. Comme je fais apprendre très progressivement les déclinaisons, les premiers tableaux à apprendre sont trop faciles pour être appris convenablement ; ils peuvent être retenus par la mémoire de travail, et sortent par une oreille quand ils sont entrés par l’autre. J’ai donc ajouté un exemple-type à apprendre par forme à apprendre. Par exemple, “Timeō Danaōs” pour l’accusatif pluriel des masculins-féminins de la 2e déclinaison.

*Linguæ Latīnæ Libellus Prīmus : Manuel d’initiation au latin, Nicolas Lakshmanan-Minet, AFNIL, 26 décembre 2021, ISBN 2956757687

 

Pour voir l’article de Nicolas Lakshmanan sur son site lettresclassiques.fr

Utilisez les exemples-types pour faire apprendre le latin !

 

Si vous souhaitez poser des questions à Nicolas Lakshmanan, n’hésitez pas à le faire en commentaire de cet article, nous les lui ferons suivre.

Si vous souhaitez vous aussi raconter un de vos cours, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes, attachée au rayonnement et à la promotion des cultures antiques dès l'école primaire. Responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

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