Les déesses vierges, Hestia ou le nombril du foyer



Media : France Culture
Emission : Nous serons comme des dieux

Présentation:

France Culture – Nous serons comme des-dieux : Les déesses vierges, Hestia ou le nombril du foyer – 21-07-2014 (durée : 6′)

Honneur aux Anciens. Des six enfants de Rhéa dont je vous ai entretenu il y a deux semaines, Hestia fut la première à être avalée par son père, Cronos. Elle fut donc la dernière à être recrachée, et son séjour dans les entrailles paternelles dura plus longtemps que celui de ses frères et sœurs. Est-ce la raison pour laquelle elle refuse obstinément les époux que lui propose son cadet devenu roi des dieux ? Zeus lui offre Apollon, le beau dieu de la lumière, c’est non. Il propose Poséïdon, le dieu marin, et c’est encore non. Pour arrêter le manège, Hestia finit par jurer par le Styx, ce qui, nous le savons, l’engageait au point, en cas de parjure, d’être déchue dix ans de sa divinité. Elle jura de rester vierge, et Zeus dut s’incliner.

Néammoins, il fallait bien lui donner un petit quelque chose ; impossible de laisser la sœur aînée de Zeus dépourvue de fonctions. Celles que trouva le roi des dieux était intelligente et hautement symbolique : Hestia devint la déesse du foyer, avec un lieu de résidence bien spécifique, le nombril de la maison, une minuscule colline.

Le nombril est saillant au moment de la naissance jusqu’à la chute du morceau de cordon ombilical, et au terme de la grossesse, vers sept mois.

Hestia qui s’est vouée à la virginité occupe donc la place maîtresse du résultat de la fécondation. Celle qui n’a pas voulu ni d’homme ni d’enfants reste fichée à l’endroit où s’élèvent les femmes. Du coup, elle ne quittera jamais le foyer familial comme font ordinairement les filles, qui délaissent le foyer paternel pour le foyer conjugal. Hestia est, comme Artémis, une déesse totalement autonome, elle a fixé elle-même sa loi, elle n’en bouge plus.

Conséquence : elle ne porte ni quenouille ni cuiller, mais le sceptre royal, un emblème masculin. C’est elle qui préside les repas de fête, elle qui décide, ou non, de laisser entrer le suppliant. C’est encore Hestia qui veille à la bonne transmission du patrimoine de la famille, et plus encore, c’est elle qui siège au Prytanée, le foyer central de la cité où siègent les magistrats qui prennent les décisions.

Y –a-t-il d’autres femmes ? En un sens, oui. Il y a au Prytanée les joueuses de flûte qui accompagnent les rituels de Dionysos et ceux d’Apollon. Elles jouent de la flûte mais ne patronnent rien. Ce n’est pas le cas d’Hestia, seule femme du Prytanée, qui veille sur le feu qui jamais ne doit s’éteindre au cœur de ce palais présidentiel sous peine de voir mourir la cité elle-même. C’est au point que Marcel Détienne la traite de déesse misogyne !

Hestia a également son nombril au sanctuaire d’Apollon, à Delphes. Sous ce nombril se trouve une réserve d’âmes ; Hestia s’assied dessus, gardienne des enfants à venir. C’est une dame archaïque du genre sicilien, une Tatie possessive qui déteste les filles de la maison, une emmerdeuse que ses fils redoutent, une déesse qui tient son pouvoir d’avoir voulu rester vierge à tout jamais.

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