Prat’hic #41 : Chantons et apprenons !

Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants pour qu’ils nous fassent découvrir une activité en cours de langues anciennes.

Aujourd’hui, c’est en poussant la chansonnette que nous regagnons l’académie de Nancy-Metz où Eric Pierson enseigne les déclinaisons et l’exercice de traduction à ses élèves de latin et de grec, en mêlant joie, partage et musique !

En Bref

Bonjour, pouvez-vous nous présenter en quelques mots la pratique du chant en cours de langues anciennes ?

Cette pratique demeure occasionnelle, et même rare avec les élèves les plus grands. L’objectif pédagogique est d’apprendre par cœur des listes (souvent les déclinaisons) sans que cela soit rébarbatif. Cela peut aussi aider à vérifier l’acquisition d’un point de grammaire que je place plusieurs fois dans la chanson. Une fois qu’il a été bien traduit, il est chanté, et à force de le répéter les élèves connaissent l’exemple de la chanson. 

Il y a un autre objectif qui est de surprendre. Et puis, je veux que le cours soit joyeux, et j’aime chanter ! Et je n’ai pas honte de chanter, de me tromper ou de chanter faux… Et puis chanter c’est une joie qui se transmet (aux camarades, à la famille, aux collègues à tous), bref, cela fait de la publicité pour la discipline quand ils lancent « Rosa » dans la cour de récréation.

 

Avec quelle classe l’avez-vous mené ?

Je le fais en classes de latin/grec avec tous mes niveaux (5e/ 4e et même 3e). Cela fonctionne mieux avec les plus jeunes. Les 3èmes ont un peu de honte de chanter, mais en me voyant chanter avec eux, ils jouent aussi le jeu.

Exemple d’activité :

 

Format PDF : quō-fūgistīs

 

Aux origines du projet

Quelle est la genèse de ce projet ?

Avant tout, ce n’est pas tout à fait un projet, mais plutôt une activité que j’ajoute à une séquence si cela s’y prête. Pour appliquer un point de grammaire (le plus souvent) ou pour terminer une séquence avant les vacances en faisant des révisions. 

J’ai d’abord retrouvé quelques chansons latines dans des vieux manuels de latin (Moriset, je crois) qui m’ont beaucoup plu. Elles étaient écrites sur des mélodies populaires, parfois inconnues de nos élèves. Je les ai réécrites et j’en ai inventé d’autres.

 

Quels objectifs vous étiez-vous donnés ? 

Selon la chanson choisie, l’objectif est :

  1. soit apprendre en chantant (souvent les déclinaisons)
  2. soit traduire un texte simple pour appliquer les réflexes de traduction de façon systématique, puis chanter ce texte. 
  3. soit réviser un point de grammaire.

Le but est d’apprendre ou de travailler en se faisant plaisir.

Faber fit fabricando

Qu’ont eu à faire les élèves avant l’activité ? 

Je vais partir d’un exemple. Nous avons appris en classe la 1ère déclinaison en chantant la chanson de Jacques Brel ( rosa ). Grâce à cette première chanson qui reste bien en tête, et que nous révisons en début d’heure, nous pouvons aborder le texte.

 

Qu’ont eu à faire les élèves pendant l’activité ? 

J’ai réécrit la chanson « Dans la forêt lointaine on entend le coucou » ainsi :

« In propinqua silva, audisne noctam ? Cantat cicadae pulchram cantilenam. Cucu cicada, cucu cicada, audisne noctuam ?

Les élèves font l’analyse de la phrase : ils recherchent les verbes (temps et personne) puis les cas et les fonctions des mots dans la phrase. Ensuite, ils peuvent procéder à la traduction. Une fois que tout a été bien compris, on peut chanter.

Version PDF :  in-propinqua-silva

 

Quel a été le rôle du professeur pendant l’activité ?  

Mon rôle est de vérifier que l’analyse est faite (et éviter absolument les traductions dues au hasard), puis qu’elle est BIEN faite. La chanson « In propinqua silva » est l’un des premiers textes que les élèves peuvent traduire avec le système complet des cas. Il permet de donner des réflexes de traduction. Mon rôle a donc été d’orienter les élèves en fonction du tableau des déclinaisons apprises peu avant. Ensuite je les fais chanter le texte qu’ils ont traduit. Je leur projette la chanson au tableau avec les sous-titres, ou avec le texte, ou sous forme de Karaoké, que j’ai réécrit moi-même. Puis pour ne pas s’endormir, on le reprend de plus en plus vite en accélérant X 1,25, X 1,5 etc… 

 

Les élèves ont-ils gardé une trace écrite ? 

Oui : ils gardent la trace écrite de leur analyse et de leur traduction.

 

Quelle implication des élèves ?  

Je les fais travailler par deux, afin que les réflexes se transmettent, et cela fonctionne bien. 

Puis pour ce qui est du chant, je les fais chanter par groupe : pour cette chanson, je les fais chanter en canon, chacun se sent responsable de son petit groupe et veut chanter plus fort que l’autre. J’avoue que les élèves ne chantent pas toujours très justes, mais ils sont motivés, c’est ce qui compte. Je suis attentif en revanche aux terminaisons latines, et on s’interrompt s’il ya des erreurs, pour ne pas prendre de mauvais réflexes..

Pour la chanson de Jacques Brel (que je ne suis sans doute pas le seul à utiliser), je leur demande de repérer la différence de prononciation (du ae) afin de les rendre attentifs. Puis ils chantent par groupe.

Je l’ai tenté aussi en grec avec la comptine « le petit lapin s’est dans caché le jardin » qui s’est transformé en Ὀι Αθηναῖοι εἰσὶν ἐν τῴ λαβυρίνθῳ·» pour l’initiation au grec. Là, l’objectif pédagogique est d’identifier les personnes du verbe εἰμι puis les traduire.

 

On fait le bilan

Quel est le ressenti du professeur ? des élèves ?

J’ai l’impression que cette pratique fonctionne bien, parce qu’elle reste rare (une fois par trimestre) ce qui peut encore surprendre les élèves. Les élèves de 5e et de 4e apprécient assez de chanter… mais pas tous. Certains n’aiment pas chanter, d’autres ont honte. Alors je demande seulement à ces élèves de dire les mots en rythme, sans les chanter. Bon parfois avec les plus grands j’ai l’impression de chanter tout seul, mais ce n’est pas très grave, j’abrège un peu.

 

Avez-vous des témoignages d’élèves à nous partager ?

Je me souviens d’une élève qui m’a dit lorsqu’on a abordé la 2è déclinaison:

« Et il n’y a pas une petite chanson ?

Mais, j’ai surtout un témoignage des parents lors de la réunion parents-professeurs :

«Qu’est ce qu’on a entendu la chanson Rosa de Jacques Brel à la maison au mois d’octobre !». 

Cela prouve plutôt que c’est réussi.

 

Quelle « évaluation » pour savoir si les élèves ont compris ?

Pour que cela fonctionne, il faut passer du temps sur les chansons de déclinaisons (les chansons de traduction, c’est moins important). 20 minutes à une séance, puis 10 minutes à la suivante, et éventuellement 5 minutes à la dernière. Si nous ne répétons pas cela en classe, le texte n’est pas appris. Le but est qu’ils offrent le moins de travail possible à la maison, et que cela crée de l’émulation en classe. J’évalue la chanson de déclinaisons par un test de 5 minutes dans lequel je leur demande d’écrire la déclinaison demandée. Ces petits tests sont toujours réussis.

 

Y a t-il eu des difficultés, des surprises ?

Une surprise : des élèves ne savaient pas ce qu’était un canon, j’ai passé 30 minutes lors de la première séance à tenter de faire chanter les élèves ensemble. Mais ce n’est pas gênant, cela met plutôt une bonne ambiance de classe. 

 

Pensez-vous mener cette activité à nouveau ? Changeriez-vous quelque chose ?

Oui, je continuerai cette activité. J’ai un stock de chansons à traduire. Mais, je sais que je ne dois pas faire plus de 3 ou 4 chansons par an, sinon il risque d’y avoir une lassitude. Un jour j’aimerais bien faire un clip à la façon de Mamma mea (je crois que c’est cette chanson qui m’a le plus marqué !), mais j’attends une classe très motivée ! Ceux qui ne veulent pas se déguiser pourraient filmer, certains pourraient ne faire que chanter, d’autres faire le montage. Cela peut constituer un projet de groupe motivant.

 

Si vous souhaitez également raconter un de vos cours, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.

 

Pour aller plus loin : 

Prat’hic #19 : Comment monter une vidéo de karaoké en latin ?

 

cavete! sumus barbarī et virī ferōcissimī! ululāmus, oppugnāmus, hostēs dēbilēs necāmus. numquam timidi Eramus. numquam hostēs timēbāmus. au cōnsultō currēbāmus alteram ad pugnam. Rōmānōs oppugnāvimus et fortiter clāmāvimus. tum cito nōs servāvimus ad alterum certāmen.

 

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes, attachée au rayonnement et à la promotion des cultures antiques dès l'école primaire. Responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

Laisser un commentaire

X