Prat’hic #18 : Manipuler des monnaies antiques au collège

Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes.

Manipuler des monnaies antiques au Collège : mobiliser les recherches en épigraphie et en numismatique romaine auprès d’élèves de 3ème

Thibaud Nicolas, professeur de lettres classiques dans un collège REP en Seine-Saint-Denis, nous présente une séquence durant entre 3 et 6h pour initier les élèves à la numismatique avec comme point d’orgue la manipulation en classe de véritables monnaies romaines.

 

En Bref

Bonjour, pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’activité “ Manipuler des monnaies antiques au Collège ”  ?

L’idée principale de cette activité est de faire découvrir aux élèves les monnaies antique, et notamment romaines, par la manipulation de véritables objets archéologiques. La séquence est composée de 4 séances :

  • une séance de présentation de la numismatique à partir d’un corpus de textes,
  • une séance de manipulation de monnaies antiques véritables (cet article vous expliquera comment s’en procurer à prix raisonnable),
  • une séance de mise en commun des observations,
  • une séance conclusive qui met la numismatique au service d’autres entrées du programme. 

 

Avec quelle classe l’avez-vous menée ? 

Cette pratique a été menée dans un collège de Seine-Saint-Denis classé REP avec une classe de 22 élèves de 3ème Latin. Le niveau est très hétérogène puisque nous avons monté pour ce groupe des dossiers “3ème faible” pour certains élèves de la classe tandis que d’autres candidataient pour intégrer Louis Le Grand ou Henri IV. Contrairement à certains ateliers de traduction ou certaines séances sur corpus documentaire plus théoriques, tous et toutes se sont très fortement impliqués dans cette séance, qui a pourtant eu lieu au mois de juin, après les conseils de classe et sous une forte chaleur. Cela montre que l’aspect “manipulation” et “vrais objets” (pour reprendre leurs mots) leur a parlé. 

L’an prochain, j’envisage de reconduire cette activité dans sa version “empereurs” avec les 3èmes et de l’étendre aux 4èmes avec des monnaies de la République et de Carthage, cependant, les coûts pour acquérir des monnaies de cette période, tout comme pour acquérir des monnaies grecques, sont prohibitifs, aussi je ne conseillerai pas de faire cette séance en dehors d’une classe de 3ème. 

 

Aux origines du projet

Quelle est la genèse de ce projet ? 

Le projet de faire manipuler aux élèves des artefacts véritables est né du souvenir de mon premier professeur de grec ancien et de culture antique, qui, en hypokhâgne,  nous avait amené en classe un clou de fondation babylonien. Bien des années après, je me suis moi-même spécialisé en assyriologie (l’Histoire du Proche-Orient ancien) et j’ai voulu acheter des objets antiques. J’ai alors découvert que les tablettes cunéiformes étaient hors de prix mais que les monnaies romaines pouvaient être accessibles, et depuis que je suis petit, j’aimais bien les pièces et les monnaies (je faisais partie de ces enfants qui collectionnaient les pièces de la monnaie de Paris des sites touristiques que nous allions voir en vacances). Un jour que j’étais dans le 2ème arrondissement, j’ai découvert un numismate qui vendait des monnaies entre 4 et 15€. Ce fut mon premier achat et depuis, de ventes aux enchères en boutiques numismatiques, j’ai fini par construire sans me ruiner une petite collection d’une quarantaine de monnaies qui vont de Carthage au Vème siècle ap. JC.

Pour une monnaie carthaginoise un peu abîmée, comptez 20 à 50€ :

 

Quels objectifs vous étiez vous donnés ? 

Les objectifs sont multiples : faire découvrir une source historique importante et méconnue, travailler sur les spécificités des monnaies romaines pour aborder certaines questions de civilisation sous un autre angle (le pouvoir impérial, les divinités allégoriques…), revoir le vocabulaire du pouvoir en déchiffrant les légendes et, pour finir, aviver l’intérêt des élèves pour les sources matérielles. 

A la fin de la séquence, les élèves doivent comprendre et connaître les principaux mots de la numismatique (avers, revers, frappe, coin …), le procédé matériel de la frappe, les enjeux idéologiques d’une monnaie romaine, la place de la monnaie dans le dispositif impérial et l’importance de la numismatique pour les historiens.

Ils ont aussi affiné leurs compétences d’analyse, de manipulation d’objets et ont pu pratiquer l’observation d’artefacts archéologiques véritables.

 

Faber fit fabricando

Qu’ont-eu à faire les élèves avant l’activité ?  

Il n’y a pas de préparation en avance à prévoir de la part des élèves, mais une mission cruciale pour l’enseignant-e : trouver les monnaies : pour que l’activité fonctionne, il en faut au moins 1 par tranche de 6 élèves, et si possible une par tranche de 4 élèves.  Pour ce faire, il y a plusieurs solutions. 

La plus économique et la plus simple est de participer à une enchère de numismatique et de se positionner sur un lot. Mon conseil est de viser un lot de monnaies romaines en bronze ou en cuivres, des IIIe, IVe et Ve siècles ou bien des antoniniens d’empereurs peu connus ou ayant émis beaucoup de monnaies. Un bon site pour enchérir est celui de Drouot (https://drouot.com/) . Tapez-y “monnaies antiques” et attendez un bon lot, c’est-à-dire un lot d’au moins 6 ou 7 monnaies, estimé entre 30 et 50€. Il faut savoir que les estimations sont généralement en-deçà du prix, aussi, en mettant une enchère maximale  à 60€, vous êtes sûrs d’obtenir un lot. Il faut ensuite ajouter la commission de la maison de vente et les frais de port, on arrive au final à environ 80€, aussi, pour cette solution, il peut être bon de se mettre à deux avec un ou une collègue pour acheter le lot. Il est aussi possible de faire financer cet achat par son FSE.

Ci-dessus : un lot de douze monnaies adjugé 75€ dans une maison de vente parisienne

 

Deuxième solution : les boutiques de numismates. Il y en a dans la plupart des villes et il ne faut pas hésiter à pousser leur porte en annonçant vos budgets et vos objectifs. Si vous êtes à Paris, je recommande vivement “Maison Platt” qui vend des monnaies à 4, 10 et 15€.

Dernière solution : le prêt. En contactant l’INRAP de votre région, la DRAC, des musées ou des associations locales de numismates, peut-être pouvez-vous réussir à vous faire prêter pour une journée des monnaies. 

En outre, je vous conseille très fortement de consulter, au préalable, le memini #2 de Ju Wo sur la numismatique en classe (https://www.arretetonchar.fr/memini-2-pourquoi-et-comment-introduire-la-numismatique-en-classe/)

 

Quel est le déroulement de l’activité ?

Une fois les monnaies en votre possession, vous pouvez commencer la séquence qui comportera 4 séances

 

Séance 1 : découverte de la numismatique

L’objectif est comprendre ce qu’est la numismatique, s’initier à son vocabulaire et ses enjeux. 

Dans les 5 à 10 premières minutes, le cours prend la forme d’un échange avec les élèves pour contextualiser les savoirs de ceux-ci sur la numismatique, sur la monnaie etc. 

Ensuite, on peut se baser sur les ressources proposées  ici sur Arrête ton Char https://www.arretetonchar.fr/memini-2-pourquoi-et-comment-introduire-la-numismatique-en-classe/ dont l’excellente carte mentale (https://view.genial.ly/62e40387d596c900182775d7 ou à télécharger en pdf : carte mentale MONNAIE). A partir des documents qui sont fournis sur ce site, vous pouvez imaginer plusieurs activités pour que les élèves construisent des connaissances sur le lexique et la façon d’analyser une monnaie.

Personnellement, je les mets par binôme (ou trinôme) et leur demande de chercher le sens dans le dictionnaire, sur un ordinateur (si vous êtes au CDI) ou sur un téléphone (si vous l’autorisez), l’étymologie des mots suivants : avers, revers, grènetis, frappe, coin, numismatique, monnaie, obole, salaire, sou, dinar/denier/dinero. Puis il s’agit de l’expliquer aux autres binômes en 2 minutes chaque fois. A partir de tout cela, les élèves prennent des notes à chaque intervention de leurs condisciples et peuvent se constituer un fichier lexical de base. 

On peut illustrer et synthétiser tout cela en distribuant une page de manuel ou une image tirée d’internet avec une monnaie et des flèches indiquant les éléments à analyser pour identifier la pièce (le buste à l’avers, la figure au revers, les éléments de légende etc…). Ce genre d’images se trouve facilement sur internet mais nous ne pouvons pas les reproduire ici car il ne s’agit pas d’images libres de droit. 

Si l’on a le temps, il peut être bon d’initier les élèves au système monétaire romain en indiquant quelles sont les monnaies les plus répandues (sesterce, dupondius, as, denier, aureus …) et leur métal. 

 

Séance 2 : manipuler des monnaies antiques.  

On entre à présent dans le vif du sujet, c’est le jour où l’on amène les monnaies en classe. 

Quelques conseils de manipulation : une monnaie se manipule toujours par la tranche, si possible avec des gants (empruntez-en à vos collègues de SVT ou de physique-chimie), l’autre solution consistant à encapsuler les monnaies :

Je vous recommande de demander aux élèves d’amener des loupes, le côté enquêteur leur plaît beaucoup et surtout c’est très pratique. Enfin, pour “mettre en situation” encore davantage, faites manipuler les monnaies soit sur des carrés de velours (si vous en avez), soit sur des tapis de souris retournés (ça marche tout autant et ça amortit les chutes).

 

Au final, cette année, mon dispositif était le suivant : 8 groupes de 1 à 3 élèves. Le matériel que j’ai amené était : 

4 monnaies antiques ; 4 imitations de monnaies célèbres, qu’on peut sans problème remplacer par des impressions couleurs, voire plastifiées (ci-contre, les répliques utilisées : la sesterce de Néron au port d’Ostie, une monnaie fantaisiste de César, un sesterce d’Hadrien et une réplique de denier de Vercingétorix frappée au Muséoparc d’Alésia). 

Chaque groupe d’élèves va manipuler 2 monnaies (une véritable et une réplique/une photographie). 

A chaque fois il faut : 

  1. Dessiner la monnaie, avers et revers sous forme de croquis.
  2. Estimer le métal de la monnaie (il faut dans ce cas avoir indiqué aux élèves le métal de chaque type de monnaie : cuivre pour les sesterces, bronze pour les as, billon pour les antoniniens, argent pour les deniers…). Ensuite, on peut éventuellement faire estimer son état aux élèves (B à SUP) si vous vous sentez à l’aise avec les termes de la numismatique. 
  3. Décrypter la légende et la traduire (sur les abréviations dans les légendes, je vous invite à consulter les ressources présentées dans le Memini #2). C’est l’occasion de faire quelques rappels de lexique et de grammaire. 
  4. Éventuellement, chercher le nom précis de cette monnaie et sa cote sur un site de numismate. 

 

VARIANTE : si vous avez des monnaies et des répliques, ne dites pas aux élèves qui a une originale et qui a une reproduction et faites-leur deviner. 

 

Au niveau de la gestion du temps, je recommande ceci : 

10 mn au début du cours pour faire installer tout le monde, mettre en situation, expliquer le dispositif, donner les consignes de “sécurité” des monnaies et donner les consignes. 

20 mn : analyse de la première monnaie. 

20 mn : analyse de la deuxième monnaie. 

5 mn : ramassage des monnaies, explication du fait que la semaine suivante, ils devront présenter une de leurs deux monnaies à l’oral. 

 

Séance 3 : analyser une monnaie antique

Maintenant que les élèves ont manipulé des monnaies, il faut les analyser. Je vous conseille d’avoir pris en photo les monnaies présentées en classe pour les projeter au tableau.  

Chaque groupe présente ensuite en 2 ou 3 min le résultat de ses recherches et, grâce à votre aide, trouve le nom précis de sa monnaie, l’empereur représenté et le motif au revers. Au total, il faut compter 5 à 10 minutes par monnaie. On a donc bien une heure, si ce n’est plus, de présentation. 

On termine, si on le souhaite, par une première synthèse sur les grands éléments à repérer et la méthode d’analyse d’une monnaie romaine. On peut arrêter la séquence ici, mais je recommande tout de même de faire une 4ème séance où l’on met en lien 2 ou 3 des monnaies vues en classes avec des éléments du programme. 

 

Séance 4 (facultative) : la numismatique, source de l’historien

Le but de cette ultime séance est de montrer comment la numismatique peut être une source pour les historiens et les historiennes. A titre personnel, cette année, je n’ai pas eu le temps de la faire. Cependant, j’ai déjà montré des monnaies en classe, et je pense qu’il ne faut pas décorréler la manipulation des monnaies et l’analyse, ensuite. 

La méthodologie est la suivante : on projette au tableau les images, sans explications, de deux ou trois monnaies et les élèves doivent analyser celles-ci. L’analyse peut se faire par écrit en solo, sous forme de fiche-questionnaire, sous forme de travail de groupe ou bien sous forme de travail en classe entière, dans le format du cours dialogué. L’essentiel est qu’il y ait production d’une analyse appuyée sur les outils vus en classe précédemment. Les élèves doivent d’abord décrire la monnaie, en utilisant autant que possible le vocabulaire de la numismatique. Ensuite, le but est d’aboutir à plusieurs hypothèses sur l’empereur (ou le personnage) représenté sur l’avers et sur la signification du revers. Je suggère de consacrer 15 à 20 min par pièce et de se garder une bonne dizaine de minutes pour laisser les élèves rédiger un bilan de séquence en autonomie.

 

Au niveau du choix des monnaies, il s’agit donc d’une séance assez libre. Dans son article Memini #2, Julie Wojciechowski évoque le cas de notre collège, Claire Cavailhes Van Beek, qui fait étudier une pièce de sa région d’enseignement. Cela peut-être une bonne approche. 

En fonction de la région où vous enseignez, voici quelques idées : 

  • Pour le Sud-Ouest, la pièce retrouvée à Toulouse étudiée dans l’article Memini #2

une monnaie syracusaine retrouvée à Toulouse

  • Pour le Sud-Est : le fameux as de Nîmes (photo ci-dessous) avec son crocodile enchaîné représentant certainement Cléopâtre et l’Egypte. Les musée d’Arles et de Nîmes offrent de précieuses et fascinantes visites pour les élèves. 

le dupondius de Nîmes

  • Pour la région lyonnaise : un sesterce à l’autel de Lyon de Tibère ou Auguste (photo ci-dessous) qui permettent de nombreuses remarques sur la succession impériale et l’intégration des Gaulois dans l’empire. 

le revers d’un as à l’autel de Lyon

  • Pour l’Île de France : une statère des parisii que l’on peut admirer au Musée Conti (musée de la monnaie de Paris), sans doute un des plus vieux monnayages “parisien”, qui permet d’évoquer la diversité des peuples “gaulois” et de relier cela aux entrées du programme sur César et la guerre des Gaules. Sans parler de celles et ceux qui ont la chance d’enseigner non loin du Musée d’Archéologie Nationale, où la collection numismatique celtique vaut le détour.

la statère des parisii

  • Pour le grand ouest et la Bretagne, les pièces vénètes ou redones sont de pures merveilles, notamment le trésor conservé au Musée de Rennes et qui appartenait à … André Breton ! 
  • Pour le Nord, pourquoi ne pas étudier un trésor découvert in situ : celui de la villa de Monchy-le Preux (https://www.cairn.info/revue-du-nord-2007-5-page-171.htm) ? 
  • Pour le Grand Est enfin, il faut évidemment étudier l’évolution du monnayage à Bibracte, des Eduens à Auguste. D’autant que non loin, à Alésia, vous pouvez vous initier à la frappe de monnaie dans le cadre d’un atelier peu onéreux ouvert aux scolaires et combiné à la visite de l’excellent Muséoparc, récemment refait. 

un denier éduen du musée d’Alésia

Si j’ai mis autant de monnaies locales liées à des musées, c’est parce que je trouve précieux d’emmener les élèves voir les monnaies “en vrai”, voire s’initier à la frappe de monnaie antique. De nombreux musées, muséoparcs ou particuliers proposent de tels ateliers.

ci-dessus, le matériel pour frapper monnaie dans le cadre d’un atelier au Muséoparc d’Alésia

 

 

Cependant, voici quelques monnaies “phares” qui méritent d’être étudiées en classe. Je ne vais pas ici me livrer à de longues notices numismatiques, que l’on trouve aisément par soi-même, mais dresser une liste de quelques monnaies que j’ai déjà fait étudier en classe et qui se prêtent bien à l’analyse : 

  • On commence par le top du top, l’aureus “aux ides de Mars” de Brutus qui commémore l’assassinat de César. C’est, accessoirement, le record mondial de prix atteint par une monnaie antique lors d’une vente aux enchères. Le lien avec le programme est évident. 
  •  Ensuite, le denier à l’éléphant de César : il a certainement été frappé en très grandes quantités pour financer les légions ayant combattu en Gaule, car ce genre de denier se répand vers 49 av. JC, juste avant la traversée du Rubicon. C’est une monnaie qui fascine toujours les élèves pour sa légende très facile à lire et à cause de cette question : “Pourquoi l’éléphant ?” Selon certains historiens (notamment Ernest Babelon), il s’agirait du fait que le nom “caesar” aurait une étymologie punique signifiant “éléphant”. On voit que l’éléphant écrase un carnyx gaulois, tout un symbole …
  • Une monnaie que j’aime beaucoup montrer, surtout pour son revers impressionnant, est le sesterce de Néron au port d’Ostie. Commémorant la fondation d’un port artificiel au nord du Tibre, frappé à Rome et à Lyon, c’est l’occasion de revenir sur les grands travaux impériaux, sur le fait que les monnaies étaient des objets de propagande évidents, mais aussi sur le règne de Néron, bien commencé, mal terminé. 
  • Les monnayages de Trajan sont souvent très intéressants, et je vous invite à les regarder de plus près. En classe, je projette parfois son aureus “parthia capta” qui permet de revenir sur les menées expansionnistes de l’optimus princeps, sur les rapports de l’empire romain avec les Parthes et sur le rôle idéologique majeure de ces monnaies. 
  • On peut aussi montrer n’importe quel antoninien du IIIème siècle : cette monnaie de billon de faible qualité connut une dévaluation majeure tout au long de son existence, à tel point qu’on finit par ne plus les reconnaître officiellement comme monnaies (elles restèrent cependant en usage comme monnaies locales dans certaines provinces plus reculées). Ces monnaies incarnent à elles-seules la crise du IIIème siècle, dont on oublie souvent qu’elle fut une crise monétaire avant d’être une crise militaire. 
  • Enfin, on peut montrer n’importe quelle monnaie du IVème siècle avec les premiers symboles chrétiens. Certaines monnaies précieuses de Constantin comportent ces symboles mais l’on peut montrer les monnaies plus courantes, notamment celles de Maxence, comportant un chrisme. D’ailleurs, on peut aussi montrer des monnaies de Licinius (ou d’un autre empereur) avec Sol Invictus au revers pour illustrer la transformation de la religion romaine et l’arrivée des cultes dits “orientaux” aux IIIème et IVème siècles. 

Il ne s’agit là que de quelques idées, et si le monde de la numismatique vous intéresse, nul doute que vous trouverez bien vite vos propres monnaies “fétiches” ou particulièrement pertinentes pour illustrer vos cours. 

 

Les élèves ont-ils gardé une trace écrite ? 

Les élèves gardent bien sûr plusieurs traces écrites : 

A la fin de la séance 1, ils disposent d’un lexique rédigé par leurs soins et d’une synthèse complète, ainsi que de tout autre apport documentaire jugé nécessaire par l’enseignant-e. A la fin de la séance 2, ils disposent des notes qu’ils ont prises pour répondre aux questions posées sur chaque monnaie manipulée. A la fin de la séance 3, ils ont pris des notes sur chaque intervention de leurs condisciples et ont rédigé une synthèse dirigée. Enfin, lors de la séance 4, la trace écrite est laissée à la discrétion de l’enseignant-e. 

 

Quelle implication des élèves ?  

Lors de la première séance, les élèves ont montré le même degré d’implication que d’habitude, jusqu’au moment où l’on a évoqué le fait qu’ils allaient manipuler de véritables objets archéologiques. A partir du moment où cela a été dit, ils se sont montrés beaucoup plus attentifs et investis. Le jour de la manipulation des monnaies, tout le groupe classe a fait preuve de beaucoup d’enthousiasme mais, en même temps, d’un vrai respect pour les objets et de beaucoup de sérieux. Cela s’est confirmé dans les étapes suivantes où ils et elles se sont bien pris au jeu de l’identification des monnaies et de leur analyse : j’ai d’ailleurs pu constater que chaque élève était capable de mobiliser des connaissances globalement plus pointues et plus techniques que d’habitude. Un bilan très positif, donc. 

 

 

On fait le bilan

Quel est le ressenti du professeur ? des élèves ?

Mon ressenti, comme celui des élèves, est très positif : le fait de présenter des objets véritables et de faire manipuler des artefacts rend tout de suite l’Antiquité plus “concrète”. C’est un excellent pendant aux textes, et je profite d’ailleurs de l’analyse des légendes pour faire un peu de grammaire élémentaire, quelques rappels sur les cas notamment. Je pense d’ailleurs qu’on pourrait ajouter une dernière séance d’une ou deux heures pour traduire un texte portant sur la monnaie et sa circulation. 

(ci-dessus : une monnaie de Vercingétorix frappée dans le cadre d’un atelier au Muséoparc d’Alésia.)

 

Les élèves ont la parole : avez-vous des témoignages d’élèves à nous partager ?

A chaque fin d’année, je fais faire aux élèves une petite fiche bilan d’année, où je leur demande notamment de m’indiquer la séquence qu’ils ont préférée et la séquence où ils ont appris le plus de choses. Sur les 22 élèves de 3ème LCA de cette année, près de la moitié indiquait que la séquence qu’ils avaient préféré était celle sur la numismatique. 5 élèves indiquaient que c’était aussi cette séquence où ils avaient appris le plus de choses (à égalité avec la séquence sur les guerres civiles, qui marche très bien aussi, ou celle sur “mourir à Rome” qui plait beaucoup aux élèves). Un élève habituellement très en difficulté m’indiquait :

la séquence sur les pièces est celle où j’ai le plus appris, comme on avait les pièces sous les yeux, avec les têtes des empereurs, on comprenait mieux et on était motivé à lire ce qui était écrit sur le côté et à comprendre ce que ça disait, pour une fois j’étais vraiment motivé à réussir en latin. 

 

Quelle “évaluation” / retour pour savoir si les élèves ont compris ?

J’ai pu estimer le degré de compréhension des élèves à travers leur pertinence dans les réponses aux questions lors du bilan qu’ils ont dressé de cette séquence, ainsi que dans la fiche-bilan de fin d’année. Cependant, je pense que la meilleure évaluation possible est celle qui se fait dans la séance 4 (que je n’ai pas eu le temps de mener cette année) et qui met les élèves en situation d’analyse. Les conseils de classe du 3e trimestre étant passés quand j’ai fait cette séquence, je n’ai pas fait d’évaluation chiffrée en revanche. 

Cependant, cette séquence se prête aussi facilement à l’évaluation sommative : on peut évaluer les compétences d’analyse par une fiche-questionnaire sur une monnaie spécifique, remplie en autonomie par les élèves. On peut aussi proposer un questionnaire noté, comportant aussi des définitions de termes précis en sus de l’analyse de monnaie. Enfin, si l’on travaille en pédagogie Freinet par exemple, la réussite de l’analyse de deux monnaies antiques peut amener à la délivrance d’un “brevet de numismate”. C’est, on le voit, une séquence très facile à évaluer in fine. 

 

Y-a-t-il eu des difficultés, des surprises ?

Mis à part l’as de Philippe l’Arabe victime du zèle hydroalcoolique d’une numismate en herbe, aucun problème. 

(ci-dessus : quand une élève bien intentionnée se lave les mains au gel hydro-alcoolique pour “ne pas abîmer” les monnaies… le résultat est pire. Dommage pour ce pauvre as de Philippe l’Arabe !)

 

Pensez-vous mener cette activité à nouveau ? Changeriez-vous quelque chose ?

L’an prochain, je compte mener à nouveau cette activité et même l’étendre aux élèves de 4e latin. Pour ce faire, cependant, je changerai quelques éléments : 

  • fournir des gants à tous et toutes, pour éviter les mauvaises surprises. 
  • proposer la séance 4, en faisant cette séance un peu plus tôt dans l’année. 
  • ajouter une séance 5 avec un atelier de traduction autour de la monnaie. 

 

Si on souhaite vous poser des questions ou échanger avec vous ?

Si vous avez une bonne idée de texte latin accessible sur la monnaie, n’hésitez pas à me l’envoyer, de même, si vous hésitez à investir dans un lot de monnaies antiques et voulez des conseils, si vous avez des questions sur cette séquence ou si vous voulez tout simplement me faire un retour d’expérience sur cette séquence, vous pouvez me contacter à l’adresse tnicolas.enseignant@gmail.com

 

Si vous souhaitez vous aussi raconter un de vos cours, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.

 

Les photos de l’article sont libres de droit sous licence wikimedia commons ou sont des photographies des monnaies de Thibaud Nicolas dont il cède les droits au site Arrête Ton Char.

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes, attachée au rayonnement et à la promotion des cultures antiques dès l'école primaire. Responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.
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