Prat’hic #4 : Des automates antiques à l’intelligence artificielle

Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC va donner la parole à des enseignants pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes.

Au collège Jean Rostand de Toulouse, les élèves de Claire Cavailhès Van Beek ont construit un automate antique.

 

En Bref

Bonjour, pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’activité que nous avons appelée “Des automates antiques à l’intelligence artificielle ” ?

Ce projet a été mené en collaboration avec mon collègue de technologie, Pascal Pujades, et ma collègue d’Éducation Musicale, Béatrice Rouch. Il s’agissait de travailler en parallèle sur l’histoire des systèmes techniques et la création d’une machine d’inspiration antique, mais dotée d’une des techniques les plus modernes du XXIème siècle, l’intelligence artificielle. Nous avons décidé de répondre à une problématique qui nous a paru antithétique donc intéressante, et surtout  actuelle ; comment pallier l’alcoolisme grâce à un automate antique ?

Avec quelle classe l’avez-vous menée ?

Nous avons la chance d’être dans un établissement qui recrute un grand nombre de latinistes, de bon niveau. Le groupe choisi, des troisièmes LCA, comportait une vingtaine d’élèves dont certains très motivés. Le projet s’est tenu entre midi et quatorze heures, pendant l’heure de latin. Les collègues de technologie et d’éducation musicale vont être rémunérés par les heures supplémentaires perçues par le Rectorat de Toulouse au titre des PEAC présentés en début d’année.

Aux origines du projet

Quelle est la genèse de ce projet ?

À l’origine du projet, une ambition folle pour moi, irréalisable sans aide extérieure : construire un automate antique. J’ai été inspirée par mes lectures, mes découvertes, mon admiration pour les sciences de l’Antiquité, que j’ai fait découvrir à mes collègues. Chacun a apporté ensuite sa contribution personnelle ; le collègue de technologie sa maîtrise technique, la collègue d’éducation musicale sa créativité et sa connaissance de la Musique Assistée par Ordinateur (MAO). Nous avons présenté le projet en tant que PEAC au Rectorat, qui nous a dotés d’un budget. Nous avons ensuite présenté ce projet aux concours CGénial (https://www.cgenial.org/82-nos-actions/145-concours-cgenial ) et Faites de la Science (https://www.faitesdelascience.com/ ) qui nous ont aussi aidés financièrement. Nous avons ainsi pu acheter un matériel assez onéreux.  Le Quai des Savoirs de Toulouse (https://www.quaidessavoirs.fr/) nous a offert un atelier de programmation d’un bras robotisé et un autre atelier de réflexion autour du thème de l’intelligence artificielle. Notre automate sera exposé au Quai des savoirs dans leur future exposition sur l’IA.

 

Quels objectifs vous étiez vous donnés ?

Un seul et même objectif guide mes actions : m’appuyer sur l’Antique pour prouver à quel point il est Moderne ! Je souhaitais leur faire remettre en question leur regard contemporain en envisageant la richesse des découvertes scientifiques à travers le prisme de l’Antiquité. Je voulais qu’ils travaillent ensemble, comme une équipe, qu’ils s’enrichissent de leurs découvertes individuelles et les mutualisent dans un projet final. Je voulais qu’ils découvrent le mythe de la caverne et fassent le parallèle avec Matrix, pour qu’ils se rendent compte que la connaissance des œuvres du passé permet de comprendre celles d’aujourd’hui. Je voulais qu’ils disent à la fin de leur troisième : “En fait, le latin, c’est bien…”

Faber fit fabricando

Qu’ont-eu à faire les élèves avant l’activité (= pour se préparer) ?

Pour se préparer à l’activité, les élèves ont dû réviser les mythes grecs en rapport avec les technologies ; Héphaïstos et ses inventions mythiques, Pygmalion ( ce qui nous a permis de parler de l’effet Pygmalion). Ensuite, nous avons orienté notre réflexion vers les objets construits par les scientifiques grecs (Héron d’Alexandrie, Philon de Byzance, etc..) ; nous avons regardé en détail un texte sur l’éolipyle  d’Héron d’Alexandrie pour comprendre les systèmes techniques des Anciens. À partir de là, les élèves ont formé des équipes pour construire leur automate ; équipe Intelligence artificielle, équipe modélisation, équipe programmation. En partenariat avec le collègue de technologie, ils ont conçu en quasi-autonomie leur automate et ont appris à programmer les sons émis par l’intelligence artificielle grâce à la collège d’éducation musicale (accord/désaccord du service du vin ; l’automate est capable de donner l’âge des personnes qu’il sert et il refuse de servir les mineurs, et les majeurs qui se sont servis plus de trois fois).

 

Qu’ont-eu à faire les élèves pendant l’activité ?

Les documents supports ont été les textes écrits par les savants grecs, mis en regard avec leur traduction. Nous avons étudié la racine “facio” et le parfait latin en partant de la fibule de Préneste avec son fameux parfait “FEFHAKED”. En documents-supports, j’ai aussi donné un extrait de la République de Platon en français, le mythe de la caverne, dans le but d’étudier le film Matrix qui montre bien les dérives de l’intelligence artificielle. Le collègue de technologie leur a fait créer une frise chronologique intéractive de découvertes scientifiques de l’Antiquité à nos jours. La collègue de musique leur a fait étudier l’hymne delphique à Apollon pour parvenir à une création artistique grâce à la Musique Assistée par Ordinateur. Nous sommes donc tous partis des sciences de l’Antiquité pour arriver tous ensemble à une réécriture contemporaine de ces sciences.

Quel a été le rôle du professeur pendant l’activité ?  

Les professeurs ont guidé, orienté mais sans prendre le pas sur le projet qui reste celui des élèves, leurs choix techniques et artistiques ont prévalu. Ils se sont trompés, nous les avons aidés à trouver des solutions techniques lorsqu’ils sont venus vers nous ( un peu comme quand ils traduisent des textes) mais en leur laissant la liberté de leur création.Nous nous sommes effacés derrière leurs décisions. Nous avons été leur Pygmalion mais sommes ensuite restés spectateurs de leurs choix. Nous les avons accompagnés pour présenter leur automate lors des concours CGénial et Faites de la Science, où ils ont obtenu le second prix académique et se sont distingués pour l’originalité de leur projet.

Les élèves ont-ils gardé une trace écrite ? Si oui, laquelle ?

Voici la revue de projet de notre automate, avec les choix techniques opérés par les élèves et les problèmes auxquels ils ont été confrontés ;

https://docs.google.com/document/d/1ZAVHB1H8hXrRLWIW4NQyuDjhKACH813_/edit?usp=sharing&ouid=109894141162871506434&rtpof=true&sd=true

 

Voici la vidéo du concours :

 

Quelle implication des élèves ?  

Malgré tous nos efforts, un ou deux élèves n‘ont pas montré d’enthousiasme particulier pour ce projet ( ils ont eu du mal à s’intégrer dans les équipes). En revanche, des élèves qui avaient du mal à se raccrocher à l’aspect linguistique du latin et du grec se sont montrés très intéressés car ils voyaient concrètement à quoi allaient mener les traductions : à un objet tangible, à un concours qu’ils avaient envie de gagner. Nous avons réussi à intéresser des élèves qui envisagent des options technologiques  en seconde et qui s’étaient lassés du latin, considérant que cette option ne leur apporterait rien. Nous avons remis en question leur regard sur l’Antiquité par le biais de ce projet.

 

On fait le bilan

Quel est le ressenti du professeur ? des élèves ?

À titre personnel, je suis très fière d’avoir présenté un objet dont la genèse relève de l’Antiquité à un concours scientifique du XXIème siècle ! La présence d’un automate antique a surpris tout le monde. Je pense qu’il faut sans arrêt rappeler que  l’Antiquité est omniprésente quel que soit le lieu où l’on se trouve. Je suis aussi très heureuse d’avoir interagi avec mes collègues dans un but commun. Nous nous sommes beaucoup apporté les uns aux autres. Je n’aurais rien fait sans eux…

Pour ce qui est des élèves, je les crois très fiers aussi de ce projet car ils sont nombreux à vouloir le présenter à l’oral du DNB. Nous avons acquis une sorte de connivence avec ceux qui étaient avec nous au concours, un lien, semblable à celui qui nous lie aux élèves avec lesquels nous sommes partis en voyage. Une sorte de respect mutuel tacite, l’impression que nous avons vécu ensemble un grand moment que nous n’oublierons jamais, qui fera partie de notre histoire à tous. C’est ainsi, du moins, ce que je ressens.

Les élèves ont la parole : Avez-vous des témoignages d’élèves à nous partager ?

 

Quelle “évaluation” / retour pour savoir si les élèves ont compris ?

Pour présenter leur projet au concours et à l’oral du DNB, les élèves sont obligés d’être autonomes ; il leur faut donc nécessairement avoir compris !

Y-a-t-il eu des difficultés, des surprises ?

Les élèves ont tâtonné lors de la traduction des textes, lors de la prise en main de la MAO et lors de la création de l’intelligence artificielle. Ils ont cependant su écouter les conseils prodigués par leurs enseignants.

 

Pensez-vous mener cette activité à nouveau ? Changeriez-vous quelque chose ( et pourquoi ?)

Si je devais créer un autre automate, je m’y prendrais plus tôt dans l’année car nous avons manqué de temps.

 

Nota Bene : les photos sont publiées avec l’accord de l’enseignant, des élèves et de leurs familles. Elles sont évidemment soumises à un droit à l’image.

 

Si vous souhaitez poser des questions à Claire Cavailhès Van Beek, n’hésitez pas à le faire en commentaire de cet article, nous les lui ferons suivre.

Si vous souhaitez vous aussi raconter un de vos cours, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.

A propos Arrête Ton Char !

Propositions du collectif : https://www.arretetonchar.fr/manifeste-arrête-ton-char-les-lca-aujourdhui/

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