Tombeaux et nécropoles étrusques

TOMBEAUX
et NECROPOLES ETRUSQUES

par Jean-Claude Daumas, Historien – pour Latine Loquere

Les idées des Etrusques sur la mort
sont à  l´origine d´une multitude de sépultures de toutes formes
et dimensions, contenant des « images » de vie
quotidienne d´une importance primordiale pour la connaissance de
leur civilisation.

LA MORT et L´AU-DELA

Les
Etrusques croyaient en une survie dans l´au-delà  “ aux Enfers,
en une vie bienheureuse. Leur conception d´après la mort était
donc bien plus rassurante que celle des Grecs ou des Romains ;
ce net « progrès » explique le regain d´intérêt des
Romains pour la religion étrusque à  l´époque impériale, au
moment où les religions orientales à  salut “ dont le
christianisme – connaissaient le succès. Au IIIème siècle après
J.-C., Cornelius Labeo rédige 15 livres sur les révélations de
Tagès et les images de l´au-delà  qu´avaient les Etrusques.

Pour accéder
à  une heureuse vie future, il fallait suivre les rites inscrits dans
les
Libri Acheronii :


Immolation d´un animal
dont le sang (sang = vie, âme) était offert à  la divinité des
Enfers :
Aita ou Persiphai.
C´était un sacrifice de substitution (animal à  la place d´un
humain).


Cérémonie des funérailles
pour dépasser le deuil, réconforter les vivants et montrer la
richesse de la famille. Aux VIème et Vème siècles, banquets avec
convives joyeux et danseurs effrénés ainsi que scènes de jeux
sportifs s´affichent dans les fresques des tombeaux : ce sont
des festivités du monde des vivants.

A partir du
IVème siècle, banquets et scènes de jeux sont clairement
situés aux Enfers : fonds de grottes, démons et divinités du
royaume des morts.


Voyage de l´âme
après incinération jusqu´au VIIIème siècle, puis de plus en
plus inhumation “ à  pied, à  cheval, en char, en bateau jusqu´aux
Enfers, guidée par des génies funéraires ailés calmes et
pacifiques aux VIème et Vème siècles, à  l´aspect hideux et
effrayant à  partir du IVème siècle.
Charun
au teint bleuâtre (= chairs décomposées) avec nez crochu, oreilles
de cheval et maillet à  la main ;
Tuchulcha
et ses bec et serres de rapace, brandissant
des serpents.

La tombe du
Quadrige infernal (fin IVème siècle), découverte en 2003, montre
sur une paroi un démon aux cheveux roux, teint blafard, vêtu de
rouge, nez aquilin, conduisant un char tiré par 4 lions. Sur la
paroi opposée : serpents à  3 têtes avec crêtes et barbe
regardant le lit du banquet où deux hommes (un jeune et un plus âgé)
se prennent par la main = père accueillant son fils pour une vie
heureuse dans l´au-delà .

L´EVOLUTION des TOMBES

La tombe est le support matériel de
cette vie heureuse en reconstituant le cadre famillier de la vie
du défunt : sa maison avec tout son mobilier, ses objets de vie
quotidienne (outils et armes pour les hommes, miroirs et bijoux pour
les femmes ; mais aussi braseros, lampes, ustensiles de
cuisine) et offrandes de nourriture.

Trois types principaux de tombes se
sont succédés depuis l´époque villanovienne.

TOMBES à  PUITS (IXème-VIIIème
siècles) = incinération.

Le corps est brûlé
à  600-900° et les cendres sont déposées dans une urne cinéraire
à  couvercle : un vase biconique, décoré d´incisions
géométriques (lignes, méandres) et recouvert d´un vase à
l´envers ou d´un casque métallique ou imitation en impasto.
L´urne est ensuite déposée au fond d´un petit puits circulaire
creusé dans la terre ou le tuf et fermé par une stèle posée à
plat. Quelques objets usuels ayant appartenu au défunt accompagnet
l´urne : rasoirs en bronze (hommes), fusaïoles et bijoux
(femmes), fibules pour les deux.

La plupart de ces
tombes se ressemblent, signe d´une société encore largement
égalitaire, du moins au IXème siècle. A Véies, au VIIIème
siècle, 90 % de tombes « égalitaires » et 10 % de
tombes princières.

TOMBES à  FOSSE (VIIIème siècle) =
inhumation.

Plus ou moins contemporaines des
tombes à  puits, elles correspondent à  une fosse quadrangulaire
creusée dans le tuf où seront déposés le corps du défunt et ses
objets personnels

TOMBES à  CHAMBRE(S) (à  partir du
VIIème siècle)

C´est la tombe à  fosse élargie et
plus élaborée. Un couloir d´accès ou dromos, souvent en
pente, conduit au tombeau souterrain construit totalement, en partie
ou simplement creusé dans la roche. Le tombeau peut être simple :
une seule chambre avec niche ou banquette latérale pour poser les
urnes cinéraires ou les sarcophages. Il devient peu à  peu de plus
en plus complexe : plan circulaire ou quadrangulaire avec
plusieurs chambres, souvent deux latérales et une axiale (au
fond) ; en « arêtes de poisson » comme la tombe
Orioli à  Viterbe qui comporte 62 fosses disposées de part et
d´autre d´une allée cntrale de 20 m de long ; …

La couverture est toute trouvée dans
le cas d´un tombeau creusé dans la roche : le plafond est
alors taillé à  deux pentes pour imiter le toit d´une maison.
Quand le tombeau est construit, on couvre le couloir d´accès et
les chambres par des voûtes et coupoles en encorbellement ou fausses
voûtes : la pierre supérieure débordant un peu l´inférieure.
Le tout est alors recouvert par un tumulus monumental
avec, à  partir du VIème siècle, une base à  tambour (mur
circulaire à  corniche moulurée) surmonté d´un cône de déblais.
Certains sont énormes : 30 m de diamètre à  pise, mais 50 m à
Castellina in Chianti, 60 m à  Florence, Vetulonia (14 m de haut) et
Vulci, 160 m même à  Cortone.

Ces tombes monumentales des VIème à
IVème siècles sont des « tombes princières »
regorgeant d´objets luxueux et décorées de fresques. Elles
restent évidemment minoritaires : à  Tarquinia, le haut-lieu
des tombes peintes, ces dernières ne forment que 2,5 % du total des
tombes.

LE CAS DE CHIUSI

Ici, l´incinération est restée
majoritaire d´où une évolution différente.

Tombes à  puits avec vases
biconiques.

Tombes à  Ziro à  partir de la
fin du VIIIème siècle : vases biconiques remplacés par de
grandes jarres à  huile pansues.

Vases canopes à  partir du
VIIème siècle, ovoïdes avec couvercle en tête humaine, tandis
que le vase se dote de bras = ébauche d´une statue.

Statues cinéraires à
partir du IVème siècle, sculptées dans la pierre locale pietra
fetida
(elle dégage une odeur nauséabonde lors de sa taille) =
animaux réels ou fantastiques (lion, lion ailé, sphinx) et hommes
debout ou assis sur un trône, femmes toujours assises. Une cavité
intérieure recueille les cendres, la tête servant de couvercle.
C´est finalement un modèle réduit des urnes cinéraires des
derniers siècles de l´Etrurie.

LES URNES CINERAIRES HELLENISTIQUES

Après la splendeur des tombes à
fresques, l´histoire funèbre des Etrusques se termine du IIIème
au Ier siècle avant J.-C. par la multiplication de petits monuments
de type sarcophage sculptés dans le travertin calcaire et le tuf
volcanique à  Chiusi et Pérouse ; et à  Volterra, dans
l´albâtre, un matériau de grande qualité.

Le défunt est sculpté de façon
réaliste (véritables portraits) allongé en position « banquet »
sur le couvercle ; Les parois externes de la cuve sont ornées
de bas-reliefs parfois peints de couleurs vives, dont le thème
principal est tiré de la mythologie grecque : scènes violentes
qui contrastent avec la sérénité du défunt.

LES NECROPOLES

Dès l´époque
villanovienne, les tombes ont été regroupées en vastes
« cimetières » ou nécropoles, situés hors de la cité
des vivants ; celles des Etrusques proprement dits seront
installées en contrebas des villes ou sur un plateau voisin.

La nécropole Quatro Fontanili à
Véies (VIIIème siècle) montre une structure en auréoles : au
centre les urnes biconiques d´incinération ; 1ère
auréole de fosses simples ; 2ème auréole de fosses
avec une niche latérale pour le mobilier.

Les nécropoles de la grande époque
(VIIème à  Vème siècles) imitent parfois la ville avec plan
orthogonal.

-La nécropole de Banditaccia à
Caeré (VIIème siècle) montre des tombes groupées en îlots carrés
ou rectangulaires limités par des rues se coupant à  angle droit.

-La nécropole Crocifisso del tufo
à  Volsinies (Vème siècle) ressemble à  une petite ville avec ses
quartiers bien délimités, ses tombeaux cubiques de même taille
alignés comme des maisons de part et d´autre de la rue, avec leur
entrée surmontée d´une fausse porte sculptée sur la paroi
rocheuse.

Les nécropoles rupestres sont
les plus représentatives de la période récente, à  partir du IVème
siècle, en particulier autour de Viterbe. Les tombes y sont plus
petites, « pauvres » et toutes semblables dans une
austérité voulue « à  la romaine ». Dans les reliefs
favorables, elles ont été creusées en étagement à  flanc de
falaise, surmontées de fausses portes, de frontons, de portiques …




















A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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